Deux ans après avoir quitté les Grands Ballets canadiens, Anik Bissonnette fait ses adieux à la scène, en beauté, dans un spectacle dédié au chorégraphe tchèque Jirí Kylián. Avec Mário Radacovsky, et entourée de 20 autres grands interprètes, la grande danseuse rend ainsi un vibrant hommage à la danse.

Tout le monde connaît Anik Bissonnette, première danseuse charismatique, mais aussi actrice généreuse du milieu de la danse, comme présidente du Regroupement québécois de la danse ou directrice artistique du Festival de Saint-Sauveur. Lorsqu'en 2006, à 45 ans, elle a quitté les Grands Ballets, elle avait promis de continuer de danser de temps à autre, pour le plaisir de ses fans.

 

«Mais je ne suis plus capable, dit-elle, et je suis trop perfectionniste pour me contenter de danser à moitié. En plus, ma tête est ailleurs et je ne suis plus entourée et portée comme avant, y compris physiquement, comme lorsque j'étais aux Grands Ballets. J'ai donc décidé d'arrêter de danser, ce spectacle sera mon adieu. Je pourrai me consacrer pleinement à mes autres projets.»

Elle ajoute, émue: «J'ai mis tout mon coeur dans ce spectacle que j'ai concocté avec mon amoureux Mário Radacovsky, autour d'un immense artiste, Jirí Kylián. Je ne veux pas tricher avec le public et encore moins avec moi-même, alors, ce spectacle techniquement très exigeant, c'est une belle conclusion pour moi.»

Pour l'amour des danseurs

Mário Radacovsky, ex-danseur des Grands Ballets, dirige maintenant le Ballet du Théâtre National de Slovaquie à Bratislava. Une grande aventure qui vient souligner une riche carrière, qui l'a d'ailleurs amené à danser pour la compagnie dirigée par Kylián depuis 30 ans: le Nederland Dans Theater (NDT). Radacovsky parle de Kylián comme d'un génie doublé d'un homme de coeur: «C'est l'humanisme qui se dégage d'abord de lui. Il obtient beaucoup de ses interprètes parce qu'il est à leur écoute.»

C'est en pensant à l'humanisme indissociable du talent créateur qu'Anik Bissonnette et Mário Radacovsky ont eu l'idée de ce spectacle. Une belle aventure racontée par Anik Bissonnette: «Pendant cinq jours, chez lui en Hollande, Jirí m'a accordé un long entretien filmé, au cours duquel il a confié ses inspirations, sa vision de la danse, son parcours de réfugié politique aussi, et sa formation de chorégraphe à une époque où cela n'existait pas. C'est un document précieux qui constitue un héritage pour la danse contemporaine mondiale. De là, nous avons décidé de bâtir un programme de pièces majeures de son répertoire, des pièces rares, entrecoupé d'extraits de cette entrevue.»

Le résultat est une oeuvre singulière, magique, touchante en même temps qu'elle représente une prouesse technique autant qu'un témoignage historique.

Un moment de danse unique

Une oeuvre à partir d'oeuvres du maître: des duos uniques qui réuniront Bissonnette et Radacovsky dans Petite mort ou Inspiration, Lesley Telford et Francesco Nappa dans Wing of Wax, ou Gioconda Barbuto et David Krügel dans Couple of Moments en première américaine, des solos jamais vus ici comme Black Bird, créé pour Megumi Makamura et dansé uniquement par elle, et Un Ballo, grande pièce de groupe jubilatoire et sophistiquée que l'on verra grâce aux 14 danseurs du Ballet de Slovaquie. «Un événement historique, dit le directeur Radacovsky, car c'est la première fois que la compagnie se produira en territoire nord-américain.»

Des oeuvres donc, par des danseurs mûrs, mais aussi des pièces d'autres chorégraphes, Johan Inger, Lightfoot/León et Radacovsky, pour rappeler que Kylián a aussi inspiré des générations de chorégraphes. Le tout donne une soirée rare, ciselée comme de la dentelle. Kylián le Grand: plus qu'un au revoir, c'est une déclaration d'amour, éternelle comme la danse.

Kylián le Grand, d'Anik Bissonnette et Mário Radacovsky, du 13 au 15 novembre, 20h, au Théâtre Maisonneuve.