Un film et une chorégraphie dans une même pièce. Dans Çaturn, la danseuse et cinéaste montréalaise Naomi Stikeman, fait cohabiter ces deux médiums forts, dans une pièce hybride et envoûtante minutieusement élaborée avec plusieurs artistes de renom, dont Peter Chu, Crystal Pite et Robert Lepage.

À lire la distribution de Çaturn, on n'est pas déçu. Peter Chu et Crystal Pite à la chorégraphie, Arcade Fire, Alexander MacSween et Matthew Banks à la musique, Robert Lepage au conseil artistique, cinq comédiennes, Frédérike Bédard, Janine Sutto, Suzanne Garceau, Françoise Gratton et Françoise Lemieux, à l'écran. Autant de talents réunis autour de celui, éclectique et singulier, de l'idéatrice et fédératrice de tous ces artistes Naomi Stikeman, qui signe le scénario et la réalisation du film, en plus d'interpréter la danse avec Peter Chu.

 

«La singularité de ce projet, explique-t-elle, est de mélanger deux médiums distincts sans qu'ils empiètent l'un sur l'autre. C'est le défi. C'est à la fois un vrai film mais doublé d'un prolongement physique par une chorégraphie en chair et en os sur scène. La danse n'est cependant pas une illustration de l'histoire racontée par le film, mais plutôt la répercussion physique de ce qui se déroule dans le film. D'ailleurs, le lien entre le film et la chorégraphie n'est pas littéral, mais abstrait et imaginatif. C'est au spectateur d'établir ses propres liens.»

Des artistes pluriels

En concevant cette pièce hybride, Naomi Stikeman est fidèle à elle-même et au double pôle de sa vie professionnelle et artistique. Originaire d'Ottawa, danseuse accomplie formée au l'École du Ballet National du Canada à Toronto, elle a dansé avec La La La Human Steps, le Béjart Ballet, Les Grands Ballets canadiens, le Ballet International de Copenhague, et a fait partie des rares élus qui ont accompagné Céline Dion dans son spectacle A New Day. En 2002, elle se voit attribuer un Gémeaux pour la meilleure performance dans une série ou une émission des arts de la scène. C'est tout un pedigree que ce parcours, qu'elle met cette fois à profit pour concocter un projet novateur et audacieux, mais avec une structure impeccable.

Son premier choix était Peter Chu. Danseur américain formé à la Juilliard School, il a remporté le prestigieux Hector Zaraspe Choreography Award dès sa première chorégraphie en 2002 avant de se joindre aux Ballets Jazz de Montréal. Il a accepté le projet et ensemble, ils ont obtenu le feu vert de Danse-Cité qui coproduit la pièce. Ainsi, Çaturn est en élaboration depuis l'été 2006: «J'ai écrit mon scénario minutieusement, dit Stikeman, autour d'une histoire de femmes dans un salon de coiffure.» Puis elle a «tripé sur Frédérike Bédard: «Je l'ai vue dans Lipsync de Robert Lepage en 2006 et j'ai littéralement capoté pour elle! Elle est incroyable. Je voulais absolument travailler avec elle, c'était clair pour moi.» Pour Frédérike Bédard aussi, puisqu'elle accepte.

On verra Frédérike Bédard à l'écran et son esprit sera là, même si elle est actuellement en tournée avec Lipsync: «Elle m'a téléphoné de Madrid, dit Naomi Stikeman, c'est un succès fou. La pièce de Robert Lepage dure à présent neuf heures et le public adore ça!» Robert Lepage, qui a accompagné Çaturn de son oeil vigilant et de ses conseils professionnels et amicaux: «Il a été très généreux et ça a été une chance incroyable de l'avoir comme conseiller tout au long du processus. Certaines de ses suggestions ont été déterminantes.»

Il ne faudrait pas oublier Richard Hansen, le créateur des perruques de la chorégraphie interprété par Naomi Stikeman et Peter Chu. Des perruques, oui, huit au total, réalistes ou surréalistes, simples ou complètement flyées, oeuvres d'art en soi: «Chaque perruque est emblématique de chacune des huit scènes qui composent la chorégraphie, dit-elle, et de plus, le port de la perruque, sa forme, sa longueur, influencent la posture du corps, la façon de la porter, de bouger etc. Crystal Pite a adoré travailler avec cette idée.»

Et Çaturn dans tout ça? Le titre est-il en référence avec la planète, le dieu de la mythologie ou autre chose? «C'est un rappel de la cyclicité de la vie, conclut Stikeman. Le symbole de Saturne est en rapport avec la mort, le deuil, l'hiver, mais c'est aussi l'annonce d'un nouveau printemps, d'un nouveau cycle de vie.»

Çaturn, de Naomi Stikeman, du 5 au 15 novembre à l'Usine C.