En trois créations mémorables, Marie Béland s'est imposée comme l'un des jeunes talents singuliers de la danse québécoise. Dans sa nouvelle chorégraphie, elle explore le thème du... poche. Que considérons-nous comme «poche, quétaine, démodé...» en matière de création artistique, et selon quels critères? Tout un questionnement auquel nous invite la pièce.

Dieu ne t'a pas créé juste pour danser. Tout un titre, ça! Marie Béland a le génie et l'audace des titres. C'est vrai des titres de ses pièces, maribé - live in Montréal (2005) et Twis-manivelle (2005), spectacle pour ados unanimement salué comme l'un des meilleurs spectacles de l'année. C'est vrai du nom de sa propre compagnie, maribé - sors de ce corps, qu'elle a fondée sitôt diplômée du département de danse de l'UQAM. Et c'est encore vrai du collectif de création La deuxième porte à gauche, dont elle fait partie, et qui produit des spectacles dans des lieux inusités: Vitrines dans des... vitrines, ou 7 1/2 à part, dans un appartement de sept pièces et demie...

 

Des titres donc, oui, mais surtout de l'originalité, de la singularité, une vision iconoclaste, non conformiste et un rien subversive. Dans sa nouvelle pièce, présentée dans le cadre de la série Être (s) Humain (s) / Only Humans à l'Espace Tangente - suivie la semaine prochaine par Gravel Works, la nouvelle création de Frédérick Gravel -, ce vent de dérision novatrice se veut une houle qui remet en question nos perceptions de ce qui est censé être une bonne ou une mauvaise création, une idée poche ou géniale.

«Détournement de sens»

«Ce n'est pas une pièce poche, dit la jeune chorégraphe, mais une pièce sur ce qui est poche, ou ce qu'on perçoit comme tel. Or dans les trucs dits les plus nuls, il y a toujours une dimension, une phrase, une image, un son, qui vient nous chercher et qui fait résonner quelque chose en nous. Avec mes interprètes, nous avons donc créé des situations a priori nulles, des costumes, de la musique, de la gestuelle, habituellement critiqués, puis, à partir de là, nous avons travaillé à transcender ces tableaux pour changer ce premier jugement-là. C'est du détournement de sens ou un travail sur les zones grises de ce qui est bien ou mal vu en danse contemporaine.»

L'idée de départ lui est venue de DJ Gilles, journaliste, animateur, musicien, qui anime une émission sur CISM, la radio de l'Université de Montréal, dans laquelle il passe des chansons et des musiques déconsidérées pour diverses raisons et qui ne jouent nulle part ailleurs. «J'écoutais ça et ça venait toujours me chercher, et j'étais heureuse de pouvoir les écouter là. J'en ai parlé avec lui et c'est ainsi que j'ai eu l'idée d'appliquer son principe à la danse.» Du coup, DJ Gilles est sur scène aux côtés des quatre danseurs Dany Desjardins, Zoey Gauld, Simon-Xavier Lefebvre et Anne Thériault, qui danse depuis longtemps avec Béland: «J'ai choisi des danseurs qui partagent cette réflexion avec moi, dit la chorégraphe, et chacun d'eux a un moment bien à lui dans la pièce.» Pour la première fois, Marie Béland a également fait appel à une dramaturge, Katya Montaignac, «pour le recul et la vision objective de l'ensemble». Voilà une pièce qui promet de détonner et d'étonner: après ça, le poche ne sera plus jamais pareil!

Dieu ne t'a pas créé juste pour danser, de Marie Béland, du 16 au 19 octobre à Tangente.