Louise Bédard achève sa trilogie de pièces inspirées de l'univers d'autres créatrices, des artistes visuelles de divers pays. Après la photographe Tina Modoti et la collagiste Hannah Höch, la chorégraphe, qui travaille toujours beaucoup à partir des images et vers elles, s'inspire ici des toiles de la peintre Marianna Gartner. Un univers hyperréaliste tiré de reproductions de photos, mais détourné de son sens premier par des gestes ou des objets décalés dans le contexte.

Effet de décalage, et en même temps de grande texturisation de l'ambiance, de présence charnelle et de détournement du propos, c'est également cela que recherche Louise Bédard dans cette pièce.

 

Le tout est porté par un fond musical prenant, comme une pulsation cardiaque, signé Diane Labrosse. Aussi par les superbes éclairages texturés de Bruno Rafie, qui mettent remarquablement en valeur les projections de photos et de fragments de toiles sur le décor, et les costumes d'Angelo Barsetti, toujours faits pour montrer et magnifier le corps des interprètes. Un enrobage de matières, de sons, de visuel véritablement captivant, laisse le spectateur sous l'emprise de ce tableau mobile où la gestuelle tient lieu de coups de pinceau qui dessinent des formes, des fulgurances, sur l'espace scénique.

Mais les magiciens-peintres suprêmes restent les six interprètes. Chevronnés, complices de longue date ou nouveaux venus dans l'univers Bédard, ils sont tous saisissants de singularité et d'authenticité, jouant sur les subtilités d'une écriture chorégraphique ultra recherchée, complexe et exigeante.

Tout y est, donc, mais certaines scènes s'éternisent ou paraissent presque intruses dans le tout. Visuellement parfaite, la pièce est aussi très cérébrale et ne parvient pas à véritablement toucher. Ce n'est évidemment pas pour dire qu'une pièce doive forcément émouvoir, mais au moins créer un état d'empathie, et celle-ci n'y parvient pas toujours, malgré toutes ses grandes qualités.

Enfin vous zestes, de Louise Bédard, jusqu'au 5 octobre, 20h, à l'Usine C.