Voir une pièce d'Élodie Lombardo, c'est véritablement découvrir un OANA, un objet artistique non identifié, et vivre ainsi une expérience inédite, dont les yeux, le corps, les oreilles, chaque partie du cerveau, et surtout la zone émotive, garderont longtemps le souvenir. Exaltant, baroque, audacieux, inattendu, empruntant à la fois au théâtre, à la performance, au cirque, aux références cinématographiques qu'à la danse elle-même, l'univers Lombardo, si typé, marque le paysage de la scène montréalaise depuis plus de cinq ans. Pour beaucoup, Blouskaille Olouéze, sa toute première pièce (2003), demeure une référence.

Parfois, Élodie Lombardo danse et crée avec Séverine, sa soeur, dans leur compagnie commune, Les Soeurs Schmutt; parfois, chacune crée de son côté. Toujours, la signature chorégraphique, l'univers singulier, sont au rendez-vous. Dans la pièce Ganas de vivir (envie de vivre), Élodie propose une oeuvre pour huit interprètes, dont Séverine, farfelue autant que profonde, fabuleuse autant que dérangeante, enjouée et ludique, mais sans cesse sur le point de présenter sa face tragique. Théâtralité, langues étrangères, symboles, objets détournés de leur sens, guitare, accordéon, flamenco, danse contemporaine, solos, duos et scènes de groupe se succèdent avec bonheur.

 

Désir de vivre

Elle met en scène une petite société humaine internationale, les interprètes étant mexicains, français et québécois, désireuse de jeu, de rires, de partages, de désirs dynamiques, toujours rattrapée, sans crier gare, par la mort, incarnée sur scène par un danseur en robe longue de satin mauve arborant un chapeau à rubans. Ne m'oubliez pas, semble-t-elle dire avec un sourire figé, car moi, je ne vous oublie pas. Envie de vivre et présence de la mort, danse de la mort à l'intérieur de la vie elle-même, cela rappelle la fête des morts mexicaine où, par la mise en scène sublimée de la mort, on exalte le désir de vivre des vivants. Élodie Lombardo et son groupe nous entraînent ainsi dans un rituel narratif, poétique, qui à la fois glorifie et exorcise les deux extrêmes de la vie. Le tout est beau comme la mort, tragique comme la vie.

Il faut saluer les prestations tout à fait remarquables des huit interprètes, dont trois seulement sont des danseurs professionnels, même s'il faut le savoir pour le remarquer, les autres étant musiciens ou comédiens, tous très investis, très intenses, magnétiques et communicatifs, et magnifiés par la subtilité des éclairages de Lucie Bazzo, et la musique prenante signée Guido Del Fabbro. Ganas de vivir, vraiment une pièce à part, à voir, à revoir, profondément émouvante, qui lance brillamment la nouvelle saison de Danse-Cité.

Ganas de vivir, d'Élodie Lombardo. Ce soir, 20h30, ainsi que du 1er au 4 octobre, au Monument-National.