Deuxième semaine du nouvel événement Destinations: Danse: Catalogne. Une fois encore, l'Agora de la danse propose un programme contrasté, opposant la solennelle María Muñoz à l'irrévérencieuse Sònia Gómez. María Muñoz est étonnante. Seule sur scène, vêtue d'un strict tailleur noir, elle se mesure, pendant près d'une heure, aux préludes et aux fugues de Clavier bien tempéré de Bach. En fait, Muñoz n'est pas vraiment seule, car Glenn Gould l'accompagne au piano. C'est lui qu'on entend chantonner et c'est avec son phrasé et ses silences que Muñoz s'amuse. Gould, dont elle semble même adopter la posture courbée et l'attitude, mélange d'effacement et d'exubérance.

Ce sont justement les courants contraires qui habitent la soliste qui la rendent si fascinante. La plupart du temps, l'attitude demeure sobre et les mouvements rien qu'esquissés. Mais son vocabulaire est foisonnant et finement ouvragé. Tout participe au phrasé: des minuscules inclinaisons de la tête, un sourcil qui fronce, un regard qui fuit. Et que dire de ses doigts qui pianotent doucement dans le vide. Muñoz invente moult façons originales d'interpréter la partition. Ainsi, il n'y aura peut-être que la tête qui suit un tonnerre d'arpèges. Ailleurs, elle n'hésitera pas à opposer une gestuelle toute en volutes fluides à un staccato ou une infime retenue à un passage musical plus exubérant. Vraiment magique.Joli délire

Dans Mi Madre Y Yo, Sònia Gómez se paie un joli délire, en compagnie de sa mère, Rosa Vincente, 70 ans. Ces dames convient le public à des moments de belle complicité entre une maman et sa fille, dans une atmosphère de franche camaraderie. Goûter compris!

Sònia et Rosa dansent ensemble, se tiraillent, discutent... Elles parlent de mecs, se déguisent, récitent un peu de Bukowski, s'amusent à faire du lip-sync sur des airs qui ont certainement fait virevolter Rosa dans sa prime jeunesse et jouent à la corrida. Sònia interviewe sa mère sur le genre d'homme qu'elle préfère, sur son immigration de l'Espagne vers l'Allemagne et sur les poules qu'elle élève et qu'elle sait d'ailleurs abattre et plumer avec brio. Tout cela alterne, en une suite de courtes séquences, entrecoupées de petites vidéos. C'est frais, un peu décousu par moments, mais somme toute amusant.

Soulignons que l'adorable Rosa vole la vedette. Et sa fille est bien aise de la lui laisser. On sent que maman, vive et rigolote, est comblée de partager ce moment unique avec sa fille. Les petites attentions qu'elle lui porte - passer une main dans ses cheveux, lui essuyer le front, s'attendrir sur ses petites oreilles - n'ont rien de feint. Rosa est bien entière, en témoigne le plaisir qu'elle éprouve à remercier le public lors du salut final.