Face aux atrocités du monde, il faut cultiver son coeur. Tel peut être le message de Candide ou l'optimisme, la nouvelle pièce de Pierre-Yves Lemieux d'après le roman de Voltaire, qui a pris l'affiche du Théâtre du Nouveau Monde (TNM) la semaine dernière.

Lemieux a l'habitude de s'inspirer de la littérature classique (Dumas, Tchékhov, Faulkner) pour signer des pièces érudites, mais surtout divertissantes. Ici, l'auteur a fait appel à Alice Ronfard pour créer un spectacle rempli d'invention et de folie, mais trop touffu, plus ludique que dramatique.

La scène se passe en 1758 à Ferney, une commune près de Genève, où Voltaire s'est exilé. Banni de Paris par la Cour de France pour ses écrits pamphlétaires, l'auteur s'est refait une autre cour de fidèles. On voit Voltaire (Emmanuel Schwartz) pendant l'écriture de son célèbre conte philosophique. Durant la représentation, Voltaire va «tester» son roman avec ses amis de Ferney. Dans un procédé pirandellien (le théâtre dans le théâtre), ces derniers jouent tous les personnages du conte, cabotinent ou contestent un passage. Et bien sûr, celui de Candide (Benoît Drouin-Germain) deviendra ici comme le double du philosophe, dans un chassé-croisé amusant.

Beauté baroque

À chaque étape du voyage initiatique de Candide dans le monde, le récit est à la fois terrifiant et comique, absurde et loufoque. Et la production du TNM hésite entre plusieurs propositions artistiques pour illustrer les péripéties du héros. On passe d'une scène fantaisiste digne de La Roulotte de Paul Buissonneau à un déchirant monologue voltairien. Par moments, Emmanuel Schwartz se tortille comme dans une chorégraphie contemporaine, et tantôt la troupe s'amuse à jouer de manière burlesque. 

Les «grivoiseries» du carnaval de Venise se transforment en un «rave» lascif et extatique. Bref, Alice Ronfard s'en donne à coeur joie dans le télescopage et la mise en abîme.

Dans le rôle de Candide, cet homme au «jugement assez droit et à l'esprit simple», Benoît Drouin-Germain brille de tout son feu. En Cunégonde et autres demoiselles volages, Larissa Corriveau est grivoise et pétillante. Elle force un peu le jeu, toutefois: on la croit davantage chez Ducharme que chez Voltaire. Patrice Coquereau (irrésistible Pangloss) et Valérie Blais incarnent plusieurs personnages. Leur immense talent comique fait mouche ici. Finalement, Emmanuel Schwartz nous montre à nouveau qu'il a l'étoffe des grands rôles du répertoire, avec sa prestance naturelle, son aisance sur scène.

Alice Ronfard s'est entourée d'une solide équipe de concepteurs. La scénographie de Danièle Lévesque met de l'avant un immense chandelier qui scintille sous la magnifique lumière de Cédric Bouchard-Delorme. Les costumes soyeux et colorés de Marie Chantale Vaillancourt ainsi que la musique de Tomas Furey apportent une touche lumineuse à la production.

Proposition paradoxale

Tout ça est bien beau, mais au bout du compte, la proposition de Lemieux et de Ronfard ne nous fait pas réfléchir. Ce qui est paradoxal avec un sujet philosophique...

Qui suis-je? Où vais-je? Pourquoi j'existe? s'interroge Voltaire au début et à la fin de la pièce. Or, ce Candide répond peu à ces questions. Et le spectacle fait triompher la joie et le rire, plus que la raison et la lucidité.

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Candide ou l'optimisme. De Pierre-Yves Lemieux, d'après le roman de Voltaire. Mise en scène: Alice Ronfard. Avec Emmanuel Schwartz, Benoît Drouin-Germain, Patrice Coquereau, Valérie Blais et Larissa Corriveau. Au TNM jusqu'au 6 octobre.