Serge Denoncourt, le «méchant» juge des Dieux de la danse à la télévision, est un faux cynique. On le constate avec sa mise en scène des Choristes, dont la première nord-américaine a eu lieu mercredi dernier au Monument-National. Un pur bonheur ! Pour nos yeux, nos oreilles et, surtout, notre âme.

Ce spectacle musical, tiré entre autres du film à succès de Christophe Barratier, est l'illustration parfaite de sa vision de l'art, avec son pouvoir de transformer les humains.

Avec maestria, Denoncourt éclaire la prémisse de l'oeuvre: il y a du bon et du beau dans chaque individu, même si parfois la perle est cachée au fond du fumier. Encore faut-il s'armer de patience... et croire à la magie de l'art.

Dans Les choristes, la magie s'exerce bien sûr à travers le chant et la musique. L'histoire est à la fois simple et universelle. Clément Mathieu, un musicien raté, accepte un poste de surveillant (un pion) dans un internat pour enfants en difficulté au fond de la province. Les enfants y sont traités comme de futurs «petits bandits» par l'autoritaire directeur de l'établissement (Henri Chassé, en feu!), dont la pédagogie se résume à deux mots: action et réaction.

L'adaptation québécoise de Maryse Warda précise d'entrée de jeu que nous sommes «quelque part en Beauce» en 1949, en plein coeur de la Grande Noirceur du premier ministre Duplessis. Connaissant le mépris de Duplessis pour les artistes, ce n'est pas une coïncidence.

La voix du choeur

À la fois tenace, bon et très humain, le suppléant réussira en quelques mois à gagner la confiance des élèves de sa classe dissipée, en formant une chorale dans laquelle ils vont (enfin) pouvoir s'exprimer librement.

Il va découvrir le talent et la voix de cristal de son élève le plus secret, timoré, Pierre Morhange - joué par Clément Henry de Villeneuve, mercredi dernier. Ce dernier, tout comme les autres chanteurs de la distribution, a été à la hauteur de nos attentes. La production affiche deux choeurs en alternance constitués d'une quinzaine d'adolescents, membres des Petits Chanteurs de Laval et de la Maîtrise des Petits Chanteurs du Mont-Royal.

Ce que Denoncourt a fait avec ce spectacle est admirable. Il y avait tant de (jolis) pièges tendus avec cette oeuvre qui déborde de bons sentiments.

Si l'homme de théâtre ne les évite pas tous (attention au cabotinage des enfants comme des adultes!), il exécute son ouvrage scénique dans le demi-ton, entremêlant avec doigté les touches noires et les touches blanches, durant près de deux heures.

L'une des plus belles scènes de la production de Juste pour rire survient lorsqu'on voit, côté cour, le châtiment de Mongeau (Charles-Alexandre Dubé), le délinquant intimidateur du groupe, et, côté jardin, une répétition de la chorale menée par Mathieu. Une image qui vaut mille réformes scolaires.

On doit absolument parler du jeu très juste et touchant de François L'Écuyer. Une figure connue au petit écran, mais qui, de mémoire, n'a jamais eu de premier rôle aussi important sur les planches. Chapeau bas! Sans oublier le professeur irrésistiblement comique de Renaud Paradis.

Nul besoin d'être devin pour prédire que Juste pour rire tient, avec ses Choristes, le succès de l'été. Un spectacle comique, touchant, musical et familial (qui demande toutefois beaucoup d'attention, soyez prévenu pour vos plus jeunes). Si vous avez conservé votre coeur d'enfant, vous allez verser des larmes (de bonheur) durant la représentation.

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Les choristes. Mise en scène de Serge Denoncourt. Avec François L'Écuyer, Renaud Paradis, Henri Chassé... Au Monument-National jusqu'au 23 juin, puis à la salle Pierre-Mercure du 4 au 29 juillet.