Réalité virtuelle, augmentée, alternative... Dans tous les cas fragmentée par et/ou dans une vie moderne qui nous échappe la plupart du temps. C'est le constat que dresse la sagace dramaturge britannique Caryl Churchill (Far Away) dans Amour et information. Dans des scènes plus ou moins courtes, elle dissèque nos petits et grands malaises, nos purs mensonges et nos vérités inventées, nos secrets et nos lâchetés.

Elle ne fait ni dans l'anecdote ni dans l'accessoire. Caryl Churchill vise la jugulaire des non-dits qui cachent l'essentiel, des déclarations péremptoires vides, des faux aveux, des vraies fuites. C'est du théâtre néo-absurde numériquement modifié.

Même si les saynètes semblent aborder des questions politiques, scientifiques, sexuelles, sociologiques ou relationnelles, ce n'est pas ce qui intéresse vraiment la dramaturge.

Son seul sujet, c'est l'humanité, ici maintenant, dans ce qu'elle a de plus déroutant, de plus drôle, grave et touchant aussi.

Le rire passe du franc au jaune et au noir durant les 90 minutes, longues par moments en raison de transitions parfois bancales, de ce spectacle miroir. Le metteur en scène Frédéric Blanchette a parfaitement assimilé l'humour et la lucidité de la pièce. Il en fait une matière totalement accessible.

Les membres de la Banquette arrière - mentions spéciales à Rose-Maïté Erkoreka et Éric Paulhus - se délectent de cette louvoyante matière. Ils changent de peau plus vite qu'un président américain, d'opinion. C'est une performance presque athlétique, rythmée, qui gagnera en assurance avec le nombre de représentations derrière la cravate. 

Parlant de cravate, Elen Ewing privilégie ici le gris pour ses costumes. Cet élément au diapason du texte nous dit qu'entre le blanc et le noir - lire : les préjugés de tout un chacun - , il n'y a que le gris qui se révèle la vraie couleur du jour. À moins que, attendez, peut-être que, mmmmm, oui, c'est le fin mot de la fin du début du titre, a.... !

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Amour et information

Texte: Caryl Churchill.

Traduction et mise en scène de Frédéric Blanchette.

À La Grande Licorne jusqu'au 22 mai