Des sujets à faire dresser les cheveux sur la tête, des conférenciers hystériques, de l'humour burlesque. Bienvenue au colloque déjanté d'Angela Konrad.

L'expression est pertinente. Les robots font-ils l'amour ? relève bel et bien du théâtre-colloque. La forme et l'esprit de ces rencontres universitaires sont respectés. Une grande partie du contenu est aussi très sérieuse et c'est ça le plus effrayant.

Inspirée par l'essai de Laurent Alexandre et Jean-Michel Besnier Les robots font-ils l'amour ?, Angela Konrad fait état de découvertes et d'avancées scientifiques - immortalité, êtres hybridés, grossesse en utérus artificiel, entre autres - qui figurent parmi les recherches actuelles. Des expériences qui se déroulent à l'abri des curieux tout en étant financées par des firmes technologiques milliardaires.

De la fascination à l'horreur

Mis à part la chanson Space Oddity de David Bowie, le début du théâtre-colloque se déroule exactement comme une conférence universitaire : ouverture par un président d'assemblée, suivie d'une biographie des conférenciers et de leur présentation comme telle, avec PowerPoint et vidéos en appui. 

Cette entrée en matière un peu froide et statique nous informe, cependant, sur des sujets qui vont du fascinant à l'horrifiant. Très vite, l'humour (on est en présence des Drs Vaginstrup et Laqueue, tout de même) et les accidents de parcours nous amènent vers un capharnaüm digne des comédies burlesques.

Le colloque donne lieu à un affrontement, voire à des empoignades, entre les transhumanistes, qui souhaitent « améliorer » l'humain au point de le fusionner avec des robots, et les bioconservateurs, qui veulent préserver à tout prix l'aspect naturel et aléatoire de la vie sur terre.

Tout en nous conscientisant sur des sujets dont nous ignorons presque tout, Angela Konrad se paie franchement la tête des dogmes de la recherche scientifique et du snobisme universitaire.

Puis, au bout de ce cul-de-sac intellectuel, la metteure en scène arrive à nous surprendre encore par un recours salutaire à la poésie.

Face à l'éthique élastique des transhumains, on serait tenté de prendre parti pour la Chimpanzée du futur et émule de Jane Goodall, Dominique Quesnel alias Riki (sobre et sérieuse comme jamais), qui ne cesse de répéter que l'avenir, notre avenir, est menacé par le « fascisme » des technosciences. 

On retrouve à ses côtés des habitués de la maison Konrad, l'émouvant Philippe Cousineau en Miki, père d'une enfant trisomique, la frigorifiante Kiki ou Lise Roy (qui fait drôlement penser à l'artiste transmédia française Orlan), la « sensuelle » Niki, Marie-Laurence Moreau, et la femme-robot Viki, l'excellente Stéphanie Cardi.

Un beau groupe qui a l'habitude de se côtoyer et qui nous fait passer du rire fou à la réflexion profonde dans un spectacle, au bout du compte, original, éclaté et passionnant.

Comme le dit un personnage, on ne peut pas « être pour ou contre le progrès », qui se passe plutôt bien de nous, merci, mais une fois alertés, il est de notre devoir de citoyens de rester vigilants, de rester humains.

***1/2

Les robots font-ils l'amour ?

Adaptation et mise en scène : Angela Konrad

Présentée à l'Usine C jusqu'au 10 mars