Un beau trio d'acteurs dans un texte déjanté de Sarah Berthiaume. Rien de mieux pour traiter du sujet de l'aliénation du travail et des affres de la mondialisation.

Le nyotaimori est une pratique ancestrale japonaise, synonyme de beauté, qui consiste à manger des sushis sur le corps d'une femme nue allongée.

En partant de cette notion d'un temps révolu, Sarah Berthiaume entreprend une réflexion riche et amusante sur le travail au service de la mondialisation, le travail qui rend fou, qui fait oublier de vivre.

Son texte passe du réalisme le plus simple à l'absurde total et au surréalisme. Ce faisant, la jeune dramaturge nous entraîne de Montréal au Japon en passant par le Texas et l'Inde. 

La maudite machine

Entre la journaliste pigiste surchargée de Montréal, l'Américain désoeuvré qui participe à un concours d'endurance dangereux, la travailleuse qui fabrique des soutiens-gorges et le Japonais travaillant sur une chaîne de production Toyota, la même aliénation, la même soumission au capitalisme sauvage.

Ils se débattent tous comme ils le peuvent face au vide. Ils rêvent, fantasment, imaginent tous autre chose à un moment ou un autre de leurs journées abrutissantes. Mais la maudite machine du travail, même dit créatif, les étourdit et les assomme tôt ou tard.

Malgré une ingrate soirée de première mardi dernier, où tout n'était pas à point et où le stress était palpable chez les interprètes, on a affaire ici à un excellent trio constitué de l'attachante Christine Beaulieu, de la raffinée Macha Limonchik et du surprenant Philippe Racine, véritable révélation!

La scène carrée et la mise en scène dépouillée favorisent la concentration du spectateur. Le texte éclaté le nécessitait. 

Il n'est toutefois pas sans redondances, surtout lors des passages descriptifs, parfois superflus. Comme si elle avait voulu s'assurer que l'on comprend les passages plus oniriques. La mise en scène aurait dû, au contraire, laisser l'intelligence du spectateur faire son bout de chemin. 

Cela n'empêche pas Sarah Berthiaume d'avoir écrit l'un de ses textes les plus aboutis et pertinents. Ses renvois à la situation du monde actuel sont bien réfléchis.

Comme la jeune dramaturge le souligne avec humour et irrévérence: peut-être que, devant le poids d'une économie mondialisée qui entraîne les pires pratiques déshumanisantes, l'une des réponses serait l'humilité d'une table.

Entre les fantasmes d'excès de travail dans le but de devenir riche et l'envie de gagner de l'argent sans bouger le petit doigt : la sagesse d'une table. Simple, mais essentielle.

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Nyotaimori. Texte de Sarah Berthiaume. Mise en scène de Sébastien David et Sarah Berthiaume. Au Centre du Théâtre d'Aujourd'hui jusqu'au 3 février (supplémentaire le 27 janvier).

Photo Valérie Remise, fournie par le Théâtre d’Aujourd’hui

Macha Limonchik et Christine Beaulieu dans Nyotaimori