Les fourberies de Scapin nous font rigoler ferme au TNM, mais plusieurs choix douteux de mise en scène laissent pantois.

L'une des pièces les plus jouées de Molière, Les fourberies de Scapin illustrent bien l'affection que Jean-Baptiste Poquelin vouait à la commedia dell'arte. Naïveté, ruses, revirements de situation et fin heureuse.

La pièce se déroule à Naples. Scapin apparaît comme le sauveur de la jeunesse qui tient tête aux avares et misanthropes qui leur servent de parents. À coups de roublardises, Scapin réussira à soutirer aux seconds l'argent qui permettra aux premiers de se faire un heureux mariage, quoique contraire au choix des pères de famille.

Bouffonnerie

Pièce de la maturité, Les fourberies reprennent les thèmes chers à Molière qui lui permettaient à l'époque de critiquer l'ordre établi. Ici, le subversif est mis au service du rire, voire de la bouffonnerie. La mise en scène de Carl Béchard, acteur comique de génie s'il en est au Québec, accentue cette tendance à la franche rigolade. On rit. Très souvent, même.

Benoît Brière (Géronte) et Patrice Coquereau (Argante) triomphent dans ce genre baroque où le cabotinage est même bien vu. André Robitaille (Scapin) sue sang et eau dans une interprétation très physique. Les limites de ses expressions et une certaine froideur le font cependant oeuvrer dans l'ombre des deux autres.

Le reste de la distribution est convaincant, mené par un maître du rythme et du punch. La scénographie et les costumes contribuent aussi à l'efficacité de l'ensemble.

Il ne s'agit pas de bouder son bonheur en allant voir Les fourberies de Scapin, reste qu'il vaut mieux laisser sa tête au vestiaire. 

Tout est affaire d'équilibre en humour, et la proposition ne fait pas toujours la part des choses, à notre humble avis, entre le juste assez et le vraiment trop.

Par exemple, alors que plusieurs théâtres à Montréal font de sincères efforts pour intégrer dans des rôles substantiels les artistes de la diversité à leur programmation, le TNM fait, lui, figure de cancre.

En fait foi cette décision douteuse de donner des rôles mineurs aux talentueux Lyndz Dantiste et Tatiana Zinga Botao. Pourquoi cette dernière n'a-t-elle pas obtenu le personnage de Zerbinette, dite l'Égyptienne? 

Et la chanson créole Maladie d'amour, quel énorme cliché dans ce contexte... Sans parler du geste fort douteux de Géronte (Benoit Brière) qui s'essuie dédaigneusement les mains, ayant touché à l'agonisant Scapin, sur les manches de Carle (Lyndz Dantiste). Là, on ne rit plus du tout.

Version ultra-légère

Les scènes de danse nous apparaissent totalement superflues dans cette proposition. Tout comme le soulignement au crayon gras de mimiques répétées ad nauseam comme celles du «Turc».

À la fin du XVIIsiècle, certains reprochaient à Molière le côté populaire et le caractère exagéré de sa pièce. Ça reste vrai aujourd'hui dans cette version ultra-légère, un peu vide. En ce sens, le Scapin du TNM est tout à fait de son temps. Il n'a rien de subversif, surfant plutôt sur la grande vague du rire facile et magnifiquement consensuel.

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Les fourberies de Scapin. Texte de Molière. Mise en scène de Carl Béchard. Au Théâtre du Nouveau Monde jusqu'au 17 février.

Photo Yves Renaud, fournie par le TNM

Benoît Brière (Géronte) et Patrice Coquereau (Argante) triomphent dans ce genre baroque où le cabotinage est même bien vu.