La ville de Québec avait des airs de Carnaval, hier soir, avec ses immenses bancs de neige formés en moins de 48 heures. Le cadre idéal pour accueillir le premier spectacle sur glace du Cirque du Soleil, non? Malheureusement, le public n'a pas tout à fait répondu à l'appel, si l'on se fie aux nombreux sièges vides du Centre Vidéotron.

N'empêche. Pour son baptême de glace, le Cirque a mis le paquet pour impressionner la galerie, avec son immense château de glace érigé à une extrémité de la patinoire, mêlant assez justement les arts du cirque avec le patinage artistique. Une fusion qui n'allait pas nécessairement de soi, mais qui s'est avérée finalement plutôt réussie. On peut le dire, le coup de patin du Cirque est efficace.

On vous l'avait dit il y a quelques semaines, l'histoire de Crystal est un peu celle d'Alice au pays des merveilles.

Une jeune fille rêveuse «qui vit dans sa tête» cherche sa voie. Ce n'est pas moi qui vous le dis, c'est elle, puisque le personnage principal narre les éléments-clés de son histoire. On a voulu cette fois être clair. Partie un soir patiner, la glace se brise sous les patins de la belle rouquine, et la voilà engloutie dans un monde imaginaire!

C'est ainsi que s'ouvre ce spectacle sur glace original mis en scène par deux des cofondateurs des 7 doigts, Shana Carroll et Sébastien Soldevila, qui souhaitaient depuis un certain temps combiner cirque et patinage. C'est donc avec un très beau medley où se multiplient les figures de main à main, des portées et des équilibres que Crystal prend vie.

Évidemment, on l'avait remarqué lors d'une présentation aux médias dans un aréna de Saint-Roch-de-l'Achigan, les interprètes ne sont pas tous en patins. Certains d'entre eux portent des chaussures à crampons, ce qui leur donne un peu plus de latitude. Autrement, on s'en doute, les acrobates auraient été plus limités.

Plusieurs très beaux tableaux composent ce spectacle qui n'a effectivement rien à voir avec Disney On Ice ou les légendaires Ice Capades. En une phrase, le Cirque demeure le Cirque, mais en patins.

Les effets visuels de Crystal méritent une mention particulière. À peu près tous les décors sont représentés grâce à de magnifiques projections. Un procédé qui avait notamment fait ses preuves dans la pièce Toruk. Dans Crystal, on présente ici un quartier, là un parc ou une patinoire. Le résultat est magistral. Les éclairages et projections servent aussi à délimiter les espaces de jeu, une excellente façon de circonscrire l'action.

La première partie se termine par un match de hockey, avec des rampes acrobatiques d'où les patineurs multiplient les sauts périlleux. Comme dans le spectacle Volta présenté l'été dernier, où des vélos BMX s'élançaient dans toutes les directions, on a un peu l'impression d'être dans les X Games... N'empêche que c'est dans ces numéros «casse-cou» qu'«el publico» s'anime et en redemande.

On a beau dire, on a beau faire, la configuration des spectacles en aréna limite les créateurs. Quand le spectateur est placé encore plus haut que les artistes, l'effet «wow!» est nettement diminué. On le remarque dans le très beau numéro de balançoire, dans le numéro de jonglerie ou encore dans le numéro de labyrinthe qui ouvre la deuxième partie.

Plusieurs très belles chorégraphies ponctuent Crystal. Que ce soit pour relater le quotidien de Crystal dans son quartier ou dans sa classe. Ou encore dans la deuxième partie avec un numéro d'équilibre sur chaise, où le groupe est parfaitement mis à contribution. La vitesse de la glace est généralement bien employée pour placer des éléments de décors ou dans le très beau segment intitulé «Salle de bal».

Malheureusement, le très beau numéro de courroies qu'on nous avait présenté il y a quelques mois - un très beau duo avec un acrobate au sol (en patins) et l'autre dans les airs - n'a pas été présenté hier pour des raisons techniques. On nous assure qu'il sera prêt dès demain ici à Québec, ainsi que pour la série montréalaise.

Quelques segments sur glace s'étirent en longueur (dont certaines scènes avec les clowns) et, oui, il y a des moments plus lassants. On a beau faire du cirque, nous sommes en présence de nombreux patineurs professionnels - qui ont notamment été dirigés par l'ex-champion canadien de patinage artistique Kurt Browning. Donc, ceux qui sont allergiques à cette discipline peuvent s'abstenir.

Cela dit, le Cirque a créé suffisamment de numéros acrobatiques pour vous surprendre. Avec plusieurs pièces musicales très inspirantes - notamment une interprétation magnifique au violon qui accompagne le duo au trapèze. Superbe. Et des reprises de tubes comme A Beautiful Day, chanté par Cyrille Aimée, ou Chandelier, entonné par Ariane Moffatt.

Alors, que devient Crystal dans sa quête pour devenir une femme? Une artiste? Rassurez-vous, elle ne s'est pas noyée dans les eaux glacées qui l'avaient avalée. Elle émerge, et de fort jolie manière. Reste à voir maintenant si le Cirque sera tenté de présenter de nouveaux spectacles «sur glace». Si l'on se fie à la performance d'hier soir, on se dit finalement: pourquoi pas?

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Crystal. Du Cirque du Soleil. Au Centre Vidéotron jusqu'au 17 décembre. Au Centre Bell du 20 au 31 décembre.

Photo Jean-Marie Villeneuve, Le Soleil

Crystal, du Cirque du Soleil