Après Baby-sitter l'an dernier, Catherine Léger nous revient avec une comédie encore plus grinçante et éclatée. Un très bon spectacle.

La force des textes de Catherine Léger est de nous présenter des personnages ambivalents auxquels on ne peut totalement s'identifier, de creuser leurs qualités et leurs défauts sans compromis et, surtout, sans nous épargner la pertinente absurdité dans laquelle ils se trouvent souvent engoncés.

La dramaturge pratique un théâtre social, dans le sens où elle se penche sur des problématiques réelles et actuelles, sans souligner au crayon gras ni se poser en thérapeute de dépanneur.

Dans Filles en liberté, elle nous parle de la société de marché dans laquelle on vit, ce monde ingrat qui nous définit par le travail et la performance. Elle conteste nos idées préconçues sur la famille, l'identité, la sexualité et la question nationale. C'est beaucoup, peut-être trop.

Mais les sujets sont incarnés dans des personnages savoureux et bien campés: Méli (Catherine Saint-Laurent), tête forte et productrice porno; son amoureux Nick (Étienne Pilon), prof condescendant plutôt conservateur; Cynthia (Laetitia Isambert), étudiante en droit névrosée; Pascal (Christian E. Roy), bon gars assez beige; Chris (Clara Prévost Dubé), amie traumatisée de Méli; et Alain (Hugues Frenette), homme à tout, tout, tout faire.

Le règne du paraître

Malgré un début un peu lent et des situations quelque peu convenues, la pièce prend peu à peu son envol entre les mains expertes de Patrice Dubois à la mise en scène. Le chef fait monter la sauce de façon admirable afin de déboucher sur des séquences aux contours surréalistes.

Le texte est parsemé de quelques scènes hilarantes et de répliques souvent assassines entre des jeunes gens qui participent pleinement à un combat sans merci où le paraître et la réussite - sociale et sportive - sont plus importants que l'être ou les rêves.

À première vue, Méli est celle qui semble s'en sortir le mieux, à force d'astuces et de lucidité, d'intelligence et de manipulation. Ce n'est qu'apparence. Elle joue tout simplement mieux le jeu du boys club - mieux que les gars eux-mêmes.

Tout ce que voulait la jeune femme était de donner naissance à un enfant de Nick et l'élever à la maison. Le couple ne survivra pas, mais Méli reste «hot pareil», comme productrice de pornos équitables. Elle s'est éloignée ainsi de ses rêves les plus intimes. Comme beaucoup d'autres avant elle, elle paie très cher le prix de sa liberté.

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Filles en liberté. De Catherine Léger. Mise en scène de Patrice Dubois. À La Licorne jusqu'au 2 décembre.