Après avoir été présentée dans tout le Canada, la pièce sur la vie de l'ex-joueur vedette des Flames de Calgary Theo Fleury arrive enfin à Montréal. La Presse a assisté à la première en présence de Fleury, alors que le Centaur avait des allures de vieux Forum.

Il est rare que des amateurs de hockey affichent leurs couleurs dans une salle de théâtre. Jeudi soir au Centaur, on croisait des spectateurs portant des chandails avec les noms de Crosby, Gallagher, Pacioretty... La raison est simple: la compagnie présente Playing With Fire: The Theo Fleury Story, une pièce qui risque de plaire autant aux amateurs de hockey qu'aux admirateurs de Michel Tremblay.

Si vous suivez notre sport national depuis quelques décennies, vous connaissez sans doute Theoren Fleury. Fort et robuste, il s'est illustré dans ce sport malgré sa petite taille (5 pi 6 po), identique à celle d'Henri Richard, son héros d'enfance. 

Repêché par les Flames de Calgary en 1987, ce fils d'un père franco-manitobain, un Métis de Russell, au Manitoba, est devenu un joueur vedette de la Ligue nationale de hockey. Avant d'atteindre les bas-fonds de la dépendance et de l'autodestruction. Pour la petite histoire, il a flambé, en quelques années, 50 millions de dollars en cocaïne, alcool, sexe et en jouant au casino.

Or, pendant toutes ces années où il s'est défoncé tant sur la glace qu'en dehors de la patinoire, Fleury a gardé son drame pour lui. Son secret honteux. En 2009, à l'âge de 41 ans, Fleury a brisé le silence dans son autobiographie: il a été victime d'agressions sexuelles durant son adolescence par son entraîneur de hockey junior à Moose Jaw. L'homme qui lui a fait croire que, sans lui, il n'aurait pas fait partie de la LNH...

Avec ses révélations, le livre a été un gros succès de vente. Deux ans plus tard, son auteure, la journaliste albertaine Kirstie McLellan Day, a eu l'idée d'adapter l'histoire de Fleury, digne d'un personnage shakespearien, pour la scène. Elle avait vu à Broadway Wishful Drinking, le solo de Carrie Fisher, tiré de la biographie de l'actrice. McLellan Day a ainsi condensé le récit du livre en un monologue théâtral de deux heures.

Mise au jeu

La mise en scène de Ron Jenkins est juste assez rythmée et divertissante pour nous tenir en haleine durant deux heures. Le décor représente une patinoire avec des filets et de la (fausse) glace faite de polymère. 

En ouverture, on a droit à l'hymne national du Canada et l'on demande aux spectateurs de se lever. Par moments, les éclairages rappellent ceux des matchs de la LNH. Des projections en arrière-scène rappellent des moments de la carrière de Fleury, y compris ce jour du printemps 1989 où Calgary faisait face au Canadien de Montréal en finale des séries. Les Flames ont remporté alors leur première Coupe Stanley, et qui plus est, au Forum de Montréal!

Le pardon

Dans la peau de Theo, l'acteur Shaun Smyth donne une performance... sportive ! Durant deux heures, Smyth garde ses patins et son lourd équipement de hockey. Il joue et dit ses répliques en faisant des feintes sur la glace, contournant les filets et se cognant sur la bande. Il va même jeter les gants à quelques reprises pour feindre une bagarre. 

Outre sa ressemblance avec Fleury, l'acteur est un athlète de la scène, tantôt comique, tantôt touchant. Il EST Theo.

Rencontré au Centaur avant la représentation, Theoren Fleury voyait la pièce pour la huitième fois jeudi soir (créée en 2012 à Calgary, Playing With Fire a été présentée dans une demi-douzaine de villes au pays). À ses yeux, son histoire en est une de résilience, d'espoir et d'entraide. «J'ai vécu dans la honte et la souffrance pendant 25 ans, dit-il. Jusqu'au jour où je suis arrivé à me pardonner. Le pardon n'est pas une action: c'est un sentiment.»

À 49 ans, en témoignant ainsi de son histoire, Fleury souhaite aider ceux qui, comme lui avant, n'osent pas parler de leurs blessures. Depuis qu'il a chassé ses démons, il consacre son temps à rencontrer des personnes avec des problèmes de dépendance, dans des centres de réhabilitation, dans des prisons.

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Playing With Fire: The Theo Fleury Story. De Kirstie McLellan Day. Mise en scène de Ron Jenkins. Avec Shaun Smyth. Au théâtre Centaur, jusqu'au 29 octobre (en anglais).

Photo Electric Umbrella, fournie par le Centaur

«Dans la peau de Theo Fleury, l'acteur Shaun Smyth donne une performance... sportive!», écrit notre critique.