Blink, belle production du Théâtre de la bête humaine, nous fait voir ce que l'amour pourrait être à l'ère de la post-vérité.

Jonas ne connaît pas Sophie, mais il la regarde parfois et aime ce qu'il voit. Il finit par la suivre, l'épier. On pourrait dire qu'il en tombe amoureux par intermittence, lors de certains moments, comme dans un clignotement (blink). Mais est-ce vraiment de l'amour? Après tout, l'amour est ce que l'on en fait, dit la pièce du Britannique Phil Porter. 

Sophie vient de la mer (Îles-de-la-Madeleine) et Jonas de la terre (une ferme à la campagne). Peut-être ne sont-ils pas faits l'un pour l'autre, mais l'un à côté de l'autre, jamais totalement ensemble, jamais complètement séparés. Ils finiront par se rejoindre, sensibles, touchants dans leur ingénuité et leur sincérité. 

Les spectateurs sont invités à prendre place dans une salle disposée en cercle, comme celle de personnes souffrant de dépendance, et à porter leur nom sur un macaron. Les acteurs leur parlent directement à quelques reprises durant la pièce, les touchent même. 

Dans ce contexte très intime, presque intimidant, Yannick Chapdelaine et Olivia Palacci jouent admirablement Jonas et Sophie, de jeunes gens simples qui comprennent dans les petits mots et les petites actions du quotidien comment un coeur fonctionne. En dehors des préjugés et des attentes de la société. 

Soulignons les excellentes traduction et adaptation en québécois de Yannick Chapdelaine et la mise en scène intelligente de Charles Dauphinais qui investit tout l'espace de la petite salle du Prospero pour rendre la complexité de cet amour particulier, basé sur les yeux du coeur.

Un amour/amitié 3.0 en quelque sorte puisque les images et leur perception ont pris beaucoup (trop?) de place dans nos vies. À bien y penser, il n'y a pas de bonne ou de mauvaise façon d'aimer. Ça peut simplement vouloir dire voir et être vu par un regard aimant. Une action partagée par deux personnes consentantes.

* * * 1/2

Blink. De Phil Porter. Traduction Yannick Chapdelaine. Mise en scène Charles Dauphinais. Au Théâtre Prospero jusqu'au 4 février.