Les Éternels Pigistes mettent fin de belle façon à 20 ans de collaboration avec Pourquoi tu pleures...? au TNM.

L'éternité des Pigistes est terminée. Christian Bégin, Marie Charlebois, Isabelle Vincent et Pier Paquette sont déjà rendus ailleurs, comme on dit. Ils finissent leur collaboration dans des conditions idéales, qui sont celles du TNM, avec une «comédie grave» sur le Québec individualiste d'aujourd'hui.

C'est la fin du Québec des familles, constate l'auteur Christian Bégin. Les Bérubé se détestent. À la mort de leur père (Pierre Curzi), un vrai salaud, ils s'entredéchirent pour un héritage d'un peu plus de cinq millions de dollars.

Ce sont des valeurs et des postures qui s'affrontent en fait: Guillaume (Christian Bégin), le politicien qui vend des armes en Afrique, France (Isabelle Vincent), l'avocate sûre d'elle en façade seulement, Roger (Pier Paquette), l'homosexuel timoré, et Manon (Marie Charlebois), la mère Teresa vertueuse. La veuve Colette (Sophie Clément) est, quant à elle, l'incarnation même du déni.

Il y a quelque chose de pourri chez les Bérubé. Une hypocrisie des apparences qui cache mal un mépris profond. 

Le texte de Christian Bégin souligne les forces et les faiblesses de chacun(e), mais surtout leur petite, voire pitoyable, humanité.

Chaque personnage a droit à son solo, son moment de vérité où il se met à nu. Et ce n'est pas beau. Les secrets des Bérubé ont des relents d'aveuglement insidieux, d'avidité généralisée.

L'auteur possède une grande capacité de faire rire. Jaune au début, puis de plus en plus noir, malgré une entrée en matière laborieuse où les blagues faciles s'accumulent. 

Quoique les personnages soient très typés, on entend poindre la voix de Christian Bégin dans la plupart de leurs longues tirades sur l'état de la société actuelle. 

La construction de la pièce pourrait être plus fluide, moins télégraphiée, et la mise en scène n'arrive pas à décoller d'un statisme accentué par la froideur du décor.

Néanmoins, les acteurs s'y donnent à coeur joie, frôlant parfois le fou rire de groupe involontaire. Sans trop de cabotinage. Christian Bégin, notamment, a laissé son éternel air ahuri au vestiaire. Son Guillaume est, dans le fond, un cynique au coeur brisé. 

Il n'y a pas à pleurer ni à se réjouir de la fin des Pigistes. Ils nous amusent une dernière fois en posant des questions intéressantes sur le cul-de-sac du monde actuel. Une société détricotée où triomphent le confort et l'indifférence.

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Pourquoi tu pleures...? Texte de Christian Bégin. Mise en scène de Marie Charlebois. Au TNM jusqu'au 10 décembre, en tournée au Québec à l'hiver 2017.

photo Yves Renaud, fournie par le tnm

Christian Bégin, Marie Charlebois, Isabelle Vincent et Pier Paquette.