Nos femmes chez Duceppe est loin d'être une production ratée. Mais la pièce du Français Éric Assous écrite en 2013 représente un choix de programmation plus que douteux, voire cynique, sur une scène québécoise en 2016.

Peut-on accorder deux étoiles à une pièce mise en scène adéquatement, jouée par un excellent trio d'acteurs dans une belle scénographie? Oui, c'est même, dans le cas de Nos femmes, un devoir. 

La pièce d'Éric Assous a été présentée en France il y a trois ans. L'an dernier, son metteur en scène et acteur Richard Berry en a tiré un film qui a été fustigé par la critique parce qu'il traite d'un féminicide sur un mode comique.

Mais pourquoi donc monter ce texte au Québec, où les agressions physiques et sexuelles contre les femmes sont un sujet brûlant depuis quelques années déjà? 

Simon (David Savard) arrive en retard à une partie de cartes avec ses amis Max et Paul (Sylvain Marcel et Guy Jodoin) parce que, dit-il, il a tué sa femme en l'étranglant. Simon tente de convaincre ses potes de mentir pour couvrir son crime. Max s'y oppose fermement, tandis que Paul se laisse convaincre peu à peu par Simon.

Le débat qui suit entre Max et Paul, au sujet de leur ami endormi, comprend quelques échanges corsés qui évitent cependant la question de fond. La pièce d'Éric Assous était un boulevard au départ et elle présente ici, malgré quelques silences lourds de sous-entendus, un rythme et des ressorts essentiellement comiques. 

Michel Poirier tente tant bien que mal de transformer le texte en comédie dramatique. Il évite notamment de souligner au crayon gras les blagues convenues et les clichés au sujet des femmes colportés par la pièce française. Soit. Sylvain Marcel, Guy Jodoin et David Savard s'y prêtent de bonne foi. Ils ne sombrent pas dans la caricature. D'accord.

Reste que l'on peut et que l'on doit remettre en question leur décision de faire partie de ce projet douteux. D'autant plus que la polémique soulevée par l'adaptation au grand écran l'an dernier était bien connue. 

Au bout du compte, Nos femmes est une oeuvre qui banalise la violence faite aux femmes. C'est clair, net et sans appel. 

Le «meurtre» dont il est question reste au second plan tout au long de la pièce. Le vrai dilemme moral pour ces hommes dans leur caverne troglodyte se veut bassement égocentrique: être ou ne pas être un bon chum pour un de la gang qui est dans le trouble.

Après tout, comme dira Paul, «un mensonge qui apaise est moins grave qu'une vérité qui détruit».

Nos femmes n'apporte absolument rien au débat actuel sur la violence faite aux femmes, préférant le rire au respect, la légèreté à la réflexion. Malgré les efforts de la troupe pour tirer un bon sujet d'un mauvais, la pièce dégage un relent de machisme latent, pernicieux, nauséeux.

Manger de la pizza en s'ouvrant une bouteille de rouge pour débattre du dilemme existentiel «doit-on ou non dénoncer celui qui est notre ami depuis 30 ans et qui a malencontreusement tué sa femme?» est une situation totalement inacceptable. 

Alors, pourquoi?

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Nos femmes d'Éric Assous. Adaptation de Monique Duceppe. Mise en scène de Michel Poirier. Chez Duceppe, jusqu'au 3 décembre.