Avec le temps, Jocelyne n'aime plus. La gentille couturière de province de La liste de mes envies perd son bien le plus précieux: son aptitude au bonheur, envers et contre tous. Sans vendre le punch, disons que Jocelyne, l'heureuse gagnante de plus de 18 millions de dollars à la loterie, deviendra très mélancolique.

Mais avant, ce personnage du roman à succès de Grégoire Delacourt (créé en hommage à la mère de l'auteur) nous donne une belle leçon de vie. Jocelyne est la preuve que «le bonheur, c'est de continuer à désirer ce qu'on possède». Au lieu d'être l'esclave de ses envies.

Écrit avec les mots du coeur, ce récit est aussi attendrissant qu'universel. On comprend pourquoi le livre a connu un succès international, en plus de faire l'objet d'adaptations au théâtre et au cinéma. Comme celle de Juste pour rire Spectacles, présentée au Rideau Vert, avant d'aller en tournée. C'est une oeuvre qui pose des questions essentielles sur les valeurs de notre époque.

Un personnage en quête de hauteur

Si l'adaptation théâtrale de Maryse Warda est bien faite, La liste de mes envies perd un peu de son impact sur les planches. Et son personnage principal en est un peu la cause... Jocelyne résiste constamment aux changements, alors qu'au théâtre, un personnage existe pour se transformer sous les projecteurs. Si le répertoire a son lot d'antihéros, de personnages ordinaires (Arthur Miller s'est inspiré de gens ordinaires pour écrire ses chefs-d'oeuvre), leur présence est toujours dramatique, parce qu'ils sont en éternel conflit avec leur entourage. Or, ici, Jocelyne gagne 18 millions et vit un drame terrible en réagissant toujours passivement. Platement. Au fond de son âme, elle veut rester derrière sa machine à coudre afin que RIEN ne se passe. Disons que ça passe mieux dans les livres qu'au théâtre.

Si la mise en scène de Marie-Thérèse Fortin manque un peu de rythme au début, sa direction d'acteurs est irréprochable. La production vaut le détour rien que pour le jeu des acteurs. Présente dans (presque) toutes les scènes, Marie-Chantal Perron joue Jocelyne avec beaucoup de vérité et de naturel. C'est l'une des meilleures performances de sa carrière! Luce et Lucie, ses deux amies jumelles, sont défendues avec aplomb par Anick Lemay et Tammy Verge (les comédiennes sont inénarrables dans le numéro de karaoké!). Marc Legault incarne le père de Jocelyne, atteint de la maladie d'Alzheimer. Il est tout simplement bouleversant. Finalement, Steve Laplante s'en tire fort bien avec le rôle plus ingrat du mari de Jocelyne.

* * * 1/2

La liste de mes envies. D'après le roman de Grégoire Delacourt. Adaptation Maryse Warda. Mise en scène Marie-Thérèse Fortin. Au Rideau Vert, jusqu'au 12 novembre. En tournée partout au Québec, à compter du 13 novembre.