L'humour l'emporte largement sur l'amour dans Roméo et Juliette, coproduction de Juste pour rire et du TNM mise en scène par Serge Denoncourt. Avec des résultats très mitigés.

Serge Denoncourt nous avait avertis: Roméo et Juliette est une comédie. On trouve en effet chez Shakespeare toutes les expressions de la condition humaine. Le comique et le tragique s'y côtoient allègrement. Et c'est là que réside la difficulté de la mise en scène. Tout devient une question de dosage, et cet équilibre nous apparaît ici déficient.

En bref, nous sommes bel et bien à Juste pour rire. Le cabotinage l'emporte bien souvent sur le jeu, les gags à répétition, sur la montée dramatique et le vaudeville surgit parfois de nulle part, jusque dans le lit de mort de Juliette.

Transposé dans les années 30 lors de la montée du fascisme italien, le récit est connu. Les Capulet et les Montaigu de Vérone sont en guerre. Roméo Montaigu s'invite à un bal chez les Capulet, tombe amoureux de Juliette et l'épouse en secret. Il sera banni de la ville après une rixe mortelle et retrouvera Juliette dans la mort après une seule nuit d'amour.

Cette nuit d'amour n'est évoquée chez Shakespeare que lors du réveil des amants au petit matin. Ici, le metteur en scène décide de montrer auparavant les ébats du couple, enfin surtout le corps bien découpé de Philippe Thibault-Denis, des pectoraux jusqu'aux fesses.

Cette scène superflue montre clairement que la volonté de cette proposition est d'en mettre plein la vue en favorisant surtout l'humour et en faisant passer l'amour tragique au second plan.

Dans Roméo et Juliette, l'émotion devrait normalement être omniprésente, à tout le moins palpable. Elle reste pourtant occultée par l'humour grivois.

Même dans la deuxième partie où le tragique prend le pas sur le comique, des rires fusent, notamment lors de la scène de la fausse mort de Juliette.

Bref, ni Shakespeare ni Denoncourt ne croient que l'amour peut sauver le monde. L'humour peut-être, alors. Un humour résolument queer par moments, lors des scènes mettant en vedette un Mercutio survolté et cynique, surtout.

Dans une production misant sur le mélange des genres, c'est d'ailleurs Mercutio qui a le beau jeu. Benoît McGinnis vole le show, comme dirait Denise Filiatrault, dans ce personnage tragicomique par excellence, amoureux transi de Roméo, mais ultra lucide.

«On se tue à trouver de nouvelles façons de se tuer», dira-t-il si justement à propos de cette époque, ou de la nôtre d'ailleurs.

Son équivalent spectaculaire féminin est représenté par Debbie Lynch-White dans le rôle de la nourrice. Drôle, la talentueuse comédienne en fait cependant beaucoup, voire trop. Mais n'est-ce pas le ton voulu par la mise en scène?

Philippe Thibault-Denis joue un Roméo convaincant. Marianne Fortier en Juliette, on ne sait trop. Débutante au théâtre, la comédienne ne projette pas suffisamment sa voix pour qu'on puisse en juger toujours correctement.

Quant au reste de l'impressionnante distribution, elle fait montre de talent, notamment les plus jeunes comme Mikhaïl Ahooja, Guillaume Gauthier et Simon Pigeon.

Dans ce casse-tête d'intentions mêlées, on rend un superbe hommage à feu François Barbeau, dont les multiples costumes sont utilisés lors de la scène de bal. Les éclairages et les projections sont réussis. La scénographie de Guillaume Lord est belle et astucieuse, mais encore là, le fameux balcon est tellement immense qu'il prend toute la place dans cette scène-clé où l'amour de Roméo et Juliette devrait nous faire frissonner.

Comble de cynisme, après la mort des amants, le prince de Vérone, qu'on nous présente tel un Mussolini tendance Trump, devient le messager de la paix entre les Capulet et les Montaigu. Désolé, ça ne colle pas. Probablement qu'il vaut mieux en rire.

* * 1/2

Roméo et Juliette. De William Shakespeare. Texte français de Normand Chaurette. Mise en scène de Serge Denoncourt. Au TNM jusqu'au 20 août.