Le théâtre d'été fait courir les foules. Au volant de sa Toyota Matrix, notre journaliste s'est faufilé dans quelques salles de l'extérieur de Montréal pour critiquer les pièces à l'affiche, décrire l'ambiance, voire le menu compris dans certains forfaits.

«Merde!», se dit-on lorsque le comédien Mickaël Gouin (Mon ex à moi, Le nouveau show) en personne ouvre la porte d'un appartement où on doit cueillir un camarade pour aller voir la pièce On t'aime Mickaël Gouin, présentée une trentaine de fois cet été.

Drôle, improbable et un peu inconfortable hasard que le camarade en question soit le coloc temporaire de la vedette de la pièce à couvrir. Avec Patrick Lagacé comme seul ami connu (et ça ne compte pas vraiment puisqu'on travaille à la même place), pas de danger que ça se reproduise trop souvent, heureusement.

En roulant vers le village de Pointe-des-Cascades, près de Vaudreuil, pour assister à une représentation d'après-midi, on croise secrètement les doigts pour que la pièce soit bonne, question d'éviter le malaise.

Mais le malaise n'aura pas lieu, loin de là. On apprécie la pièce comme une rose dans un champ de pissenlits, en plus de rire fort plusieurs fois, notamment grâce aux nombreux niveaux d'humour du texte d'Olivier Aubin (L'appart du 5e), qui personnifie le docteur Victor. 

La salle de spectacle, avec le haut plafond en bois, donne l'impression d'être dans une grange ou dans une ancienne école de rang. Une cloche nous prévient d'ailleurs cinq minutes avant la représentation. Environ 150 personnes ont fait la route, des jeunes ados avec leurs parents. Un changement radical par rapport aux autres théâtres visités dans cette série de reportages, où les cheveux gris, blancs et les mèches colorées sont la norme.

Le rideau se lève d'abord sur Olivier Aubin, venu donner les consignes de bienséance au théâtre. «On encourage le bouche-à-oreille si vous trouvez ça bon. Dans le cas contraire, gardez ça pour vous», demande-t-il, pince-sans-rire.

Bienvenue chez les Sicotte

L'histoire commence comme Misery. La superstar Mickaël Gouin - adulée comme Bono en Afrique - roule au volant de sa voiture (effets spéciaux dignes de Lucasfilm ici) vers son chalet dans le bois pour se reposer un peu. «Moi, j'ai la clé du succès, mon ami!», chante-t-il énergiquement, par-dessus le tube de Farago qui passe à la radio.

Quelques distractions, un gros bruit d'accident, puis le noir total.

L'action reprend sur une musique inquiétante à la Tim Burton, dans une pièce de la maison d'une famille dysfonctionnelle et sinistre: les Sicotte.

Mickaël Gouin est étendu sur un lit. Entre la maman Gilberte (Chantal Dumoulin), qui se prend d'abord en égoportrait avec son célèbre patient, encore inconscient. «Tu vas être bien ici, c'est pas tous les jours qu'on a la chance de prendre soin d'une vedette», souligne la maman attentionnée, dont les rires nerveux et angoissés trahissent quelques problèmes de santé mentale. Mais rien en comparaison de la belle Mathilde (Marie Soleil Dion), qui voue un culte malsain au rose et à Mickaël Gouin, qu'elle aspire à épouser.

D'abord flatté, Mickaël réalise que quelque chose ne tourne pas rond.

La soeur de Mathilde, Béatrice (Léane Labrèche-Dor), une sorte de Cendrillon fade vivant dans l'ombre de la flamboyante Mathilde, et le papa impulsif (Louis-Olivier Mauffette), qui semble avoir transformé son sous-sol en chambre de torture, complètent cette famille de cinglés, où Mickaël s'avère finalement pris au piège.

S'il veut survivre, il n'a qu'une option: faire de Mathilde une vedette. De toute façon, il n'a pas le choix, considérant que le papa de cette dernière est du genre à raser une barbe avec un couteau de Rambo. «Oublie pas une affaire, si ma fille perd espoir, je vais avoir de la peine, pis j'aime pas ça avoir de la peine», sanglote-t-il, lugubre.

L'espoir existe, certes, mais seulement grâce à la brave Béatrice, la seule à venir en aide au pauvre Mickaël. Le courant passera étrangement entre ces deux-là, parfois même comme dans un épisode des Feux de l'amour. Une relation faite de gaufres et de maladresse qu'ils doivent garder secrète, notamment parce que Mathilde semble posséder des pouvoirs comparables à ceux de la Carrie de Stephen King.

Bon, on ne divulguera pas de punch, mais disons qu'il y a un coup de théâtre assez réussi, qui permettra de comprendre notamment le sens du timing incroyable du célébrant personnifié par Olivier Aubin.

Bref, on ne voit pas le temps passer. La pièce est courte, sans entracte, et les temps morts n'existent pas. Il y a même une scène de combats façon Matrix pour les amateurs d'action. La petite foule a fait revenir trois fois les comédiens sur scène après leur performance.

Ces derniers ont l'air de s'amuser, et on les félicite de résister aux - on suppose - 1000 occasions de fous rires pendant cette pièce délurée.

On aime aussi, outre Mickaël Gouin, le fait de ne pas infantiliser le jeune public en le prenant pour un imbécile. Le niveau est élevé, les blagues sont subtiles et la pièce n'a aucune prétention pédagogique.

Plus de peur que de mal, donc. La pièce était vraiment bonne, mais la prochaine fois qu'un camarade nous accompagnera au théâtre, il va descendre nous rejoindre dans la voiture.

Juste au cas.

On a aimé

C'est un peu loin, Pointe-aux-Cascades, mais c'est vraiment beau, niché au confluent du fleuve Saint-Laurent et de la rivière des Outaouais. Il y a un petit bar près de l'eau, où les parents peuvent attendre s'ils n'ont pas envie de se taper la pièce.

On a moins aimé

Il n'y a pas grand-chose à manger à Pointe-aux-Cascades, sauf au casse-croûte La Patate Dorée. On a fait semblant d'aimer leur poutine et de trouver que c'est la meilleure au monde, mais... ON A MENTI!

Photo fournie par le Théâtre des Cascades

Destinée aux jeunes, la pièce n'est pas pour autant infantilisante.