Passage attendu au Théâtre Maisonneuve que celui de la compagnie brésilienne Sao Paulo Companhia de Dança, qui s'amène à Montréal avec The Seasons, création d'Édouard Lock en vedette d'un programme triple bien rendu mais qui manque de mordant.

Pièce pour 12 danseurs créée en 2014 pour la Sao Paulo Companhia de Dança, The Seasons est dansée sur la musique éponyme de Gavin Bryard, qui revisite les Quatre Saisons de Vivaldi. La signature d'Édouard Lock y est tout à fait reconnaissable: gestuelle exécutée à une vitesse fulgurante, travail de déconstruction du ballet classique avec utilisation de pointes, duos hommes et femmes dominés par les tours et les jeux de jambes, éclairage clair-obscur qui découpe et sublime les corps des danseurs tout en ne dévoilant jamais tout à fait leur visage.

Édouard Lock enveloppe cette création d'un voile de mystère, laissant le soin au spectateur de jongler avec les divers éléments - musique, éclairage, scénographie, chorégraphie - et de les assembler, comme des couches de sens qui sont présentées individuellement sans que le chorégraphe nous donne la clé pour les comprendre entièrement.

Lock n'a rien perdu de sa verve avec cette gestuelle aux mains et bras électriques - tantôt angulaires, tantôt ondulatoires - qui ébrouent les danseurs et les font se déplacer sur scène tels des insectes hyperactifs.

Tantôt en groupe, mais le plus souvent en duo, ces créatures de la nuit - car on est ici dans une succession de saisons plus nocturnes que diurnes - se meuvent avec tension d'un espace et d'un moment à l'autre, se posant parfois lors de duos plus lents.

Visuellement, le résultat est somme toute probant - et certains passages, magnifiques. L'effet d'éclairage utilisé, soit de multiples douches de lumière qui utilisent l'effet d'accumulation et découpent l'espace dans un rythme frénétique, plongeant momentanément les danseurs dans le noir pour les révéler à nouveau, finit toutefois par provoquer un sentiment de redondance.

On peut aussi se questionner sur l'utilisation du décor créé par Armand Vaillancourt, de longs panneaux ondulatoires qui encadrent la scène des deux côtés, où sont découpées des silhouettes évoquant des arbres mouvants, et qui montent et descendent au gré des tableaux. Ces derniers sont si peu éclairés qu'on peine à les distinguer dans la pénombre générale qui règne sur le plateau.

En fin de compte, ce sentiment d'un certain décalage, voire de désordre ou du moins d'un ordre qui serait à recréer, mais dont le secret nous échappe. Un sentiment exacerbé par l'effet déstabilisant de cette musique dont les mélodies évoquent l'oeuvre de Vivaldi un moment, pour s'en détourner l'instant suivant. The Seasons reste jusqu'à la toute fin énigmatique et drapé de mystère.

Campé dans la tradition

Les deux autres pièces du programme triple puisent dans les danses, musiques et coutumes traditionnelles latines et orientales.

Mamihlapinatapai du Brésilien Jomar Mesquita, tricote autour du sens de ce mot amérindien, soit «un regard partagé entre deux personnes qui espèrent que l'autre va prendre l'initiative, mais qu'aucun ne veut commencer».

Sur scène, quatre couples y vont d'une danse lascive, jouant de ce désir qui s'attise et se dérobe, sur la musique latine de Marina de la Riva. Le résultat utilise notamment une gestuelle teintée de tango et de danses latines, sans les réinventer.

Plus réussie, Gnawa, de l'Espagnol Nacho Duato, est une création qui s'inspire des pratiques spirituelles du peuple gwana. La musique, très organique et aux influences orientales, intègre des bruits d'eau qui coule et de battements de coeur. Très fluide, la chorégraphie donne à voir toute l'élégance des 14 danseurs de la compagnie dans une danse sensuelle et méditative, qui utilise les quatre éléments.

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Programme triple de la Sao Paulo Companhia de Dança. Chorégraphies d'Édouard Lock, Jomar Mesquita et Nacho Duato. Au Théâtre Maisonneuve jusqu'à ce soir, dans le cadre de Danse Danse.