Guylaine Tremblay reprend avec brio et émotion le rôle créé il y a 18 ans par Rita Lafontaine dans la pièce de Michel Tremblay, Encore une fois, si vous permettez, chez Duceppe.

Oui, ça prend du courage pour enfiler les chaussures de la grande Rita Lafontaine quelques jours après la disparition de celle qui a joué le même rôle près de deux décennies plus tôt. Ça prend du courage de le faire devant le dramaturge qui vient de perdre l'une de ses muses et des spectateurs tout aussi fébriles. Ça prend, aussi et surtout, une force tranquille, un sacré talent et du coeur tout le tour du corps.

Dans le rôle de la mère de Michel Tremblay, Guylaine Tremblay ajoute une autre perle à son illustre carrière.

La comédienne, qui transperce tous les écrans de télé et de cinéma depuis des années, n'a pas son pareil, sans filtre, sur scène et dans tous ses états. Ses échanges avec le fils-narrateur (Henri Chassé) sont remplis d'espièglerie et d'humour. Ses monologues sont bouleversants.

Devoir de mémoire

La pièce évoque toutes les couleurs d'une femme simple, mais aussi ratoureuse, rêveuse, angoissée, théâtrale, aimante, généreuse, imaginative, curieuse, perspicace... Porteuse de gros bon sens et tout de même fantaisiste. Cette femme qui ne sait «plus quoi inventer» tellement son fils lui pose de questions depuis qu'il est né. Telle mère, tel fils.

À différents âges, celui-ci relance le récit et le personnage de la mère vers d'autres souvenirs savoureux, souvent très drôles.

Après ses pièces fondatrices du théâtre moderne québécois et ses grands romans, non seulement Michel Tremblay pouvait se permettre de ramener le personnage de sa mère à l'avant-scène, mais encore il lui devait. Le devoir de mémoire existe et il sert ici à rendre hommage au plus beau cadeau que l'on peut donner à un enfant: l'imaginaire.

Un Québec disparu

Même si Michel Tremblay a écrit des pièces plus importantes, on retrouve dans ce texte tout un Québec qui semble disparu ou, pire, oublié. Celui des accroire, des qu'en-dira-t-on et des jamais abouti. Un Québec qui parle et parle à s'en étourdir. Un Québec où l'on pouvait encore rêver.

Pour soutenir les dialogues, la mise en scène, la scénographie, les éclairages et la musique se font minimalistes. Le sol en damier et l'incontournable table de cuisine reposent sur du pur amour, celui des mots.

Des piles de livres soutiennent le décor, évoquant tous les textes de romans, de théâtre et autres téléthéâtres qui auront donné son sens à l'amour indestructible entre une mère et son fils.

On passera cependant sur les bafouillages de première et le ton quelque peu monocorde d'Henri Chassé. Comme si le metteur en scène avait absolument voulu tout aplanir autour de la performance de Guylaine Tremblay.

Dans les meilleurs moments de la représentation, notre vue se brouille. Par-delà les larmes refoulées, en raison de quelque effet de maquillage ou de pure magie peut-être, on croit voir apparaître dans le visage de Guylaine Tremblay, pendant une infinie et délicieuse seconde volée à la mort, les traits de feu Rita Lafontaine. Encore une fois, merci mesdames.

La pièce Encore une fois, si vous permettez fera une tournée québécoise de 33 dates l'an prochain.

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Encore une fois, si vous permettez. Texte de Michel Tremblay. Mise en scène de Michel Poirier. Chez Duceppe jusqu'au 14 mai.