L'interprétation est extraordinaire, la mise en scène et la scénographie sont remarquables, mais le texte de Révolution à Laval, signé Guillaume Lagarde, n'a de révolutionnaire que son titre.

La majorité des Québécois connaissent cette histoire presque sur le bout de leurs doigts. Des maires corrompus, la gestion des villes laissée aux promoteurs, autrement dit à l'abandon, une commission d'enquête chargée de faire la lumière, un rapport tabletté ou presque...

Il y a de quoi être en colère. Une colère noire. Rouge sang, encore mieux. L'éloquente scénographie et les costumes d'Elen Ewing en sont tapissés dans Révolution à Laval. Sur l'un des murs, un carré rouge, vague évocation d'une autre révolte... 

Seulement deux éléments de décor serviront de points d'ancrage aux extrémités de la salle: des trônes de sous-sol de banlieue, kitsch comme il se doit, un siège de toilette et un La-Z-Boy. 

Entre les deux, des acteurs survoltés, qui jouent des personnages de pacotille, des archétypes d'un petit monde municipal tragicomique.

Au sommet de cette galerie ubuesque, un digne descendant d'une version burlesque du Sol de Marc Favreau: extraordinaire Marc Béland. Un danseur, mime, acteur qui en met plein la vue et les oreilles.

La pièce raconte donc ce que l'on sait. Des maires de basse-cour s'agrippent au pouvoir en s'entourant de pleutres et en faisant affaire avec tout ce qui grouille de vermine mafieuse. Les affaires sont les affaires et, comme le disait feu Jean Lapierre, «le problème, c'est que l'intégrité, c'est comme la virginité, c'est ben dur d'en ravoir!»

Superficiel et caricatural

Ils sont vulgaires et idiots, ces maires Veilleux et Urbain de banlieue qui nagent dans le confort et l'indifférence. Les plus âgés forniquent tels des lapins écervelés, les plus jeunes se droguent aux «pinunes» et à la «cocoïne». Tous mangeraient volontiers de «l'asfate», manquent terriblement «d'enverjure» et trouvent justement que «simp» est le plus beau mot de la langue française. 

On sourit aux jeux de mots et calembours, on rit parfois de situations rocambolesques. Mais les dialogues et le récit tournent en rond et plusieurs gags tombent à plat en dépit de l'interprétation et de la mise en scène qui tâchent de nous faire oublier qu'il n'y a pas de véritable message à en tirer.

La représentation se termine d'ailleurs en queue de poisson. On préfère la farce à la réflexion.

C'est un choix qui se défend, mais, dans le débat sur la corruption municipale et ses possibles ramifications dans les hautes sphères du pouvoir, c'est un peu court. 

On reste ici en surface, on grossit, on caricature. Et puis après? À moins que l'on soit totalement résignés et fatalistes, que ce soit le seul constat possible finalement, c'est-à-dire que les choses ne changeront jamais. Vaut mieux en rire, quoi! 

Dans ses meilleurs moments, la production touche à une sorte de surréalisme magique. Dans ses pires, la minceur du texte fait penser à un sketch de Bye Bye, malheureusement trop long.

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Révolution à Laval. Texte de Guillaume Lagarde. Mise en scène de Sébastien Dodge. À la petite salle d'Espace Go jusqu'au 9 avril.