Puisqu'il ne s'était pas produit à Montréal depuis 2009, soit sa seule escale aux FrancoFolies, Julien Doré se devait jeudi de renouer rapidement,  solidement, durablement.

De noir vêtu à l'instar de ses musiciens, le chanteur français a ouvert plutôt doucement cette heure passée sur la scène Bell, la plus importante de l'aire extérieure des Francos comme on le sait.  C'était Viborg, chanson impressionniste, élégante, anthracite... et très variété. C'est dire le paradoxe Julien Doré.

Salutations d'usage, «suis heureux d'être là» et patati et patata et que démarre le vrai spectacle. Que se dévoile ce beau gosse que les Victoires de la musique ont sacré «artiste masculin de l'année».

Nous voilà inscrits à l'Hôtel Thérèse, joli bâtiment d'allure synth pop, cold wave, encore là très pop. Le chanteur tente une première intervention musclée, souhaite faire participer une foule qui se fait un peu prier et qui finit par se laisser tenter.

Julien Doré a la bonne idée de nous balancer Habemus Papaye, slow soul sensuel, entrelardé de rimes anglaises et françaises, et dont l'objet essentiel est un épandage de testostérone. On prendrait plus de volume et... on accepte que ça ne puisse dépasser les hauteurs réglementaires.

On a tôt fait de se dire que Julien Doré est un as de l'accroche. Sa voix riche et puissante sert fort bien Chou Wasabi, chanson synth pop qui raconte en substance «Je t'aime de moins en moins pour ce que tu m'as fait»...

On réalise que le chanteur a fait monter le mercure, que des milliers d'humains se sont mis à battre des mains.

Jusque-là, tous les titres proviennent de LØVE, l'album certifié triple platine (en France, évidemment), le chevelu conquérant ouvre une parenthèse Bichon, soit son album précédent: Kiss Me Forever est une pop folk avec un titre «écrit au lipstick», «au rouge métallique». Des milliers de bras se lèvent sous les ordres de Julien Doré, de plus en plus déterminé à gagner la partie. À l'évidence, notre homme sait qu'il lui faut tout donner pour vraiment s'imposer.

Puisqu'il est en Amérique, enfin on le présume, il choisit d'interpréter Winnipeg, dont le refrain est un souhait de partir avec elle dans la grande ville du Manitoba... destination purement exotique, indeed!  «I want to go to Winnipeg with you», dit la chanson de facture new wave / post punk (et toujours très pop), pulsée par les guitares d'Arman Melies et de Darko Fitzgerald. Pierre Lalonde n'a qu'à bien se tenir!

Au terme de la liaison Montréal-Winnipeg, le chanteur français nous invite à retourner dans le vaisseau LØVE, et prendre  le vol Paris-Seychelles, irrésistible envolée synth-pop assortie de dentelles guitaristiques, le tout coiffé par une sortie spectaculaire du chanteur dans la foule. À la surprise générale, il se pose devant un bar jouxtant la scène,  prend un verre pendant que son groupe étire les accords et que  les ooh ooh de ses nouveaux fans  prolongent le plaisir jusqu'à son retour sur les planches. Un bon coup!

L'artiste estime alors qu'il y a assez de gaieté dans la foule pour lancer l'archi prévisible  Heaven, pop idéale pour la FM (ou ce qu'il en reste), pour les longues distances sur l'autoroute. Néanmoins fécondée dans l'inquiétude. En anglais, le narrateur du récit dit en substance «du côté sombre de ma chambre, j'invoque le paradis... je ne changerais pas tes règles... j'espère te voir bientôt... ne me laisse pas en plan... » Pas mal pour de la pop FM!

Avant-dernier titre au programme, On attendra l'hiver s'avère plus rock, plus guitares, toujours pop. La chanson se conclut avec le chanteur qui s'accompagne aux claviers. Encore faut-il souligner que les claviers, joués sur scène par Julien Noël, sont très importants dans la facture générale de l'album LØVE...  et un peu moins apparent en spectacle.

Il ne reste que six minutes, peut-être un peu plus. Julien Doré se passe la main dans la crinière, contemple la foule, affiche un air légèrement perplexe. Il remercie sincèrement les gens et les Fancos de l'avoir accueilli, de l'heure qu'il vient de passer avec eux . «J'ai essayé d'en prendre possession comme j'ai pu».  Et il entonne Corbeau blanc, pop claviers dont l'intro gris foncé n'est pas sans rappeler le piano du Gros Pierre dans Ordinaire. Cette chanson, pourtant, s'avère on ne peut plus française.

Le personnage central de la chanson  y rend  les armes, prend «l'exil des corbeaux blancs»... jusqu'à ce vendredi, 20h, scène Ford.