Ceux qui ont raté, il y a trois ans, la création de ce «stand-up tragicomique» de Fabien Dupuis peuvent se reprendre ces jours-ci. Ce que nous vous suggérons fortement de faire. Le comédien y livre un poignant monologue sur les blessures de l'enfance, avec humour, espièglerie, tendresse et résilience.

La pièce mise en scène par Marc Béland est construite à la manière d'un conte urbain - ce qu'elle fut dans sa première version. Il est question de Daniel, garçon solitaire abandonné par son père et élevé à coups de «taloches» par une mère totalement désintéressée. Un garçon qui trouvera refuge auprès d'une cousine, Isabelle, qu'on finira par lui interdire de voir.

Pour tout dire, Isabelle a tous les ingrédients du drame larmoyant inspirant la pitié. Or, il n'en est rien. Fabien Dupuis trouve le moyen de nous faire rire en désamorçant les drames un à un, sans jamais les minimiser ou nous les rendre insignifiants pour autant. Ce point d'équilibre relève du tour de force.

Se libérer de la mère

Fabien Dupuis n'a jamais nié avoir évoqué sa propre enfance dans Isabelle, mais il n'a pas joué le jeu de départager dans le détail le vrai du faux et c'est très bien comme ça. Il reste que ce spectacle, on le sent, a quelque chose de profondément thérapeutique. Une performance qui distille une certaine douleur facile à imaginer.

Le comédien incarne le personnage de Daniel à l'âge adulte. Mais un adulte qui est resté un petit garçon, comme en témoigne sa tenue vestimentaire. Un homme inquiet et dépendant de sa mère, malgré sa méchanceté. Contre toute attente, ce lien maternel, il refusera de le briser jusqu'à la toute fin. Une réponse qui, loin d'être désespérante, est extrêmement touchante.

Les passages concernant son idylle avec Isabelle sont délicieusement impudiques et, même si l'acteur en beurre parfois épais, abusant de certaines facéties, il parvient à traduire les sentiments d'amour et de désir qu'il a ressentis auprès de cette fille. Des sentiments qu'il a heureusement connus, mais qu'il cherchera en vain à retrouver. Comme quoi tout est passager.

Toutes ces histoires façonneront la personnalité complexe de Daniel, qui croira enfin être libre en mangeant un Whopper sans se faire sermonner par sa mère disparue. Une image forte, comme tant d'autres, proche de la langue très théâtrale d'un autre Fabien, Cloutier celui-là, capable de charrier beaucoup d'émotions à travers des récits de vie en apparence ordinaires.

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Au Théâtre Outremont jusqu'au 13 juin.