Le plus drôle quand on va voir un show de Mike Ward, c'est bien d'écrire une critique en sachant qu'on va recevoir des courriels de lecteurs outrés. Tant qu'on ne reçoit pas de mise en demeure, ce qui est presque sa spécialité...

Car enfin, il est impossible de citer ses meilleures blagues dans un journal grand public. L'humour de Mike Ward, c'est un peu comme le porno: pas mal de gens aiment ça, même s'ils sont gênés de le dire. Quand on sort de son spectacle, les spectateurs ressemblent à ceux qui viennent de voir un film d'horreur. Une partie affiche une mine réjouie et satisfaite, l'autre partie a l'air un peu sonnée par l'expérience. En tout cas, sachez qu'il doit dire le mot «graine» à peu près 500 fois en 90 minutes.

Toujours habillé de son t-shirt «loup» pour ce troisième one-man-show intitulé Chien, Mike Ward a encore les crocs bien acérés, mais il nous fait davantage penser à un chihuahua qui n'arrête pas de mordre les mollets de ses invités, comme en attente d'une claque. Il le dit lui-même: «Je ne sais pas où est la ligne à ne pas dépasser en humour.» C'est faux, il la connaît très bien et même mieux qu'avant. Il est un peu comme un garnement qui veut la dépasser, un tout petit peu, juste pour voir. «Tu sais que tu as réussi quand il y a une manifestation devant ton show», dit-il.

On accuse Mike Ward d'être macho, et il en a sorti des douteuses dans le passé, mais pas dans ce spectacle-ci, où ce sont surtout les hommes qui mangent une volée, lui le premier. Heureusement, car l'atmosphère actuelle causée par le scandale Ghomeshi ne l'aurait pas permis.

Claude Dubois est particulièrement visé. Il y a eu énormément de blagues sur les frasques du chanteur, et sur sa relation amoureuse avec une jeune femme dont il pourrait être le père, voire le grand-père, mais on n'a jamais rien entendu d'aussi heavy que celles de Mike Ward à ce sujet. Ça pourrait même lui causer encore des ennuis. Quant à ses blagues sur son collègue Guy Nantel, une sorte de running gag dans le milieu de l'humour, ça passe très bien.

Nantel, présent dans la salle hier, lui a envoyé un gros fuck you de son siège. À la fin du spectacle, Ward a avoué son amour pour son collègue. Pas si chien que ça, finalement.

Passer de la première de Valérie Blais mercredi soir à celle de Mike Ward hier (notez ici le grand écart exigé à la critique objective), c'est un peu comme passer de la canicule à -40. Le choc thermique est intense, mais il faut de tout pour faire un monde, et si on ne comprend pas ça, on n'est pas fait pour parler d'humour.

Entre quelques blagues pas mal raides et un répertoire entièrement basé sur la scatologie - Ward est d'une incroyable vulgarité -, on ne sait trop comment l'humoriste parvient à livrer un réel message d'ouverture à l'autre. Peut-être parce que lui, le «bilingue», s'est fait traiter «d'hostie d'Anglais» à Québec (ce qui lui a donné le goût de s'afficher comme Irlandais), de «fucking frog» lors d'un voyage dans le Sud, «d'exotique» au Moyen-Orient ou «d'ethnic comedian» à Toronto (ce qui lui a donné l'idée de se rebaptiser Chubby Sammy). Voilà qui lui donne le droit, à son avis, de faire des blagues sur les noirs, les gais, les juifs, les attardés, les sourds, les autistes et les vieux. «Des graines, il y en a partout» résume-t-il, comme si on n'avait pas compris.

Non, Mike Ward n'est pas pour tout le monde, mais il connaît le monde, c'est sa plus grande force.