Deuxième pièce jeunesse écrite par le prolifique Simon Boulerice, Les mains dans la gravelle est présentée en reprise ce printemps à la Maison Théâtre. Le jeune auteur, qui en a cosigné la mise en scène avec Serge Marois et qui en interprète tous les personnages, offre aux enfants une initiation charmante à son univers poétique et légèrement décalé, sur un thème peu exploité, celui de la pauvreté.

Le récit suit Fred-la-terreur-Gravel, 10 ans, qui vit seul avec sa mère malade. Dans sa cour de «gravelle», le petit garçon, qui sait voir la beauté dans les reflets d'une flaque d'huile, se confie aux mouettes, cherche des pierres précieuses, s'invente des histoires. Et le gamin revêche se laisse apprivoiser par sa voisine Agathe.

Fred n'est pas riche, mais son imagination est débordante d'ingéniosité, à l'image de cette scénographie qui fabrique un monde cohérent à partir de petits riens. Les mouettes sont des boîtes de jus Oasis; un tas de pierres grises s'illumine de rouge lorsque Fred transforme un caillou en rubis; la robe d'Agathe, faite de sacs de plastique, est accrochée à une corde à linge, et l'acteur n'a qu'à se placer derrière pour se transformer en petite fille. Et à mesure que la pièce avance, les objets disparates se transforment en installations d'art visuel, fabriquées par Fred devenu adulte, qui raconte son histoire dans cette mise en scène de son enfance.

Du Petit Poucet réinventé à un poème d'amour surréaliste, le texte de Simon Boulerice est bourré de formules-chocs (Agathe qui est épanouie «seulement aux deux tiers») et de jeux de mots imagés (la mère de Fred est tellement précieuse que ses pierres aux reins se transforment en diamants). Mais son langage poétique reste toujours concret et crédible, évocateur mais proche du quotidien, empreint d'une naïveté qui ravit les adultes et dans laquelle les enfants se reconnaissent.

Dans ce foisonnement d'idées, entre du gumboot, une séance de saut à la corde et un numéro de claquette, l'hyperactif Simon Boulerice s'en donne à coeur joie. Mais si son interprétation des deux enfants fonctionne bien - il semble si près d'eux, en fait!-, il est beaucoup moins crédible en adulte. C'est qu'en plus d'incarner Fred à 30 ans, il prend aussi parfois la voix douce de sa mère, qu'il souffle dans un micro. La convention est claire, mais on sent quand même un certain relâchement dans les changements de ton, surtout vers la fin, lorsque Fred adulte résume la suite de son parcours en accéléré.

La pièce qui respirait beaucoup devient alors verbeuse, et l'interprète, qui semble pressé d'en finir, sort un peu de son personnage d'artiste enfin posé, qui s'est servi de sa capacité de voir du beau partout pour se construire. Mais cela ne gâche pas la réussite évidente de cette pièce qui, si elle s'adresse d'abord aux jeunes, peut clairement toucher un public de tout âge.