«Écrire, est-ce agir sur le réel?» s'interroge Larry Tremblay dans son mot au programme de la récente production du Ventriloque au Théâtre de Quat'Sous. Sa pièce, à la fois déroutante et fascinante, est construite comme une série de boîtes dans lesquelles on découvre à la fois vérité et mensonge. Après tout, l'auteur qui invente doit nécessairement manipuler la vérité pour nous faire croire à son histoire. C'est le mérite et la richesse du Ventriloque: Tremblay parvient à nous montrer les deux côtés de la création, sa beauté et sa perversion.

La pièce débute quand un ventriloque fait parler une poupée au nom de Gaby. Celle-ci prendra aussitôt vie sous nos yeux. Elle nous raconte qu'elle vient de recevoir en cadeau, pour ses 16 ans, un stylo de marque Parker, et qu'elle s'est mise à écrire dans sa chambre «le plus beau roman du monde».

Transportée par son imagination, l'adolescente écrit sans interruption. Elle souhaite épater son frère poète, et même surpasser Balzac en carburant au café. Alors, tout ce qu'elle imagine se concrétise et de curieux personnages apparaissent sur scène. Mais les vertiges de la création cachent aussi de vilains démons...

Éric Jean a fait un travail remarquable avec sa mise en scène extrêmement claire et précise. Il a su créer un climat étrange et pénétrant qui colle parfaitement à ce texte difficile à déchiffrer. Mais il a surtout eu la très bonne idée de multiplier les personnages (il y a cinq Gaby habillées et coiffées identiquement qui se partagent leurs répliques chacune à leur tour ou en choeur). Le décor beau et ingénieux évoque la structure en «poupées gigognes» du texte, en dédoublant la chambre de Gaby ainsi que les meubles, les costumes et les accessoires.

Éric Jean, qui a invité au Quat'Sous cette production créée à l'École nationale, a aussi habilement dirigé la classe des finissants 2012. Il arrive à nous faire oublier l'exercice scolaire. Parmi cette jeune distribution au talent indéniable, mentionnons la justesse de Léane Labrèche-Dor, ainsi que le jeu fort intéressant de Maxime Mailloux dans la peau du Ventriloque et aussi dans une apparition de Balzac. Mailloux n'a pas la personnalité type du jeune premier. Mais il a résolument la sensibilité et l'intelligence qu'il faut pour faire longtemps ce métier.

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Le ventriloque, jusqu'à samedi et du 11 au 15 septembre au Théâtre de Quat'Sous.