On dirait que le grand air fait du bien au théâtre.

La dernière fois qu'on s'est retrouvé à la rue, près du parc Coupal, dans Ville-Marie, c'était pour les représentations de Vie et mort du roi boiteux, reprise de la pièce de Jean-Pierre Ronfard que Frédéric Dubois avait brillamment mise en scène à l'été 2009, à l'extérieur d'Espace libre. Une pièce de huit heures!

Cette fois, ce sont les néo-futuristes menés par Mathieu Leroux qui occupent d'une belle façon la petite ruelle Coupal, avec une pièce coup-de-poing livrée en 1 h 30 par huit jeunes comédiens inspirés - dont Benoît Drouin-Germain, Mathieu Lepage, Catherine Lavoie et Helen Simard - dans un décor de carcasses de voitures disposées à l'extérieur comme à l'intérieur du théâtre.

Scrap nous parle d'une jeunesse «poquée» (à l'image de ces voitures accidentées), en pleine dérive, pur produit de notre société de consommation, en mal de sensations, un brin blasée. Une jeunesse qui a tout de même le mérite de se questionner sur sa place dans le monde. Sur sa pertinence, ses croyances, ses convictions, ses projets politiques et ses amours, instables, jetables. L'auteur soulève beaucoup plus de questions que de réponses.

Autant vous dire que le portrait de cette jeunesse révoltée n'est pas toujours très joli. Scrap, qu'on nous présente en trois «stations», dont deux à l'extérieur, se prend comme une claque sur la gueule. Il y a des références directes au mouvement de contestation contre la hausse des droits de scolarité. «Laissez-nous tranquilles, pour une fois qu'on défend une cause!», gueule un des personnages à l'endroit d'un policier zélé.

Le propos de Scrap est extrêmement cohérent dans l'expression de la quête de sens de cette jeunesse en perte de repères, qui tantôt accepte d'être un produit de consommation, tantôt le combat. On pourrait reprocher à l'auteur et metteur en scène, Mathieu Leroux, de s'être un peu éparpillé, mais cet éparpillement et ces contradictions sont au coeur de Scrap.

Les néo-futuristes, inspirés d'un courant de théâtre américain, jouent leurs propres personnages et n'hésitent pas à s'adresser directement au public. Les ruptures de ton sont également de bon aloi, les comédiens se rappelant à l'ordre lorsqu'ils se prennent un peu trop au sérieux. «Nous ne sommes qu'au théâtre», se disent-ils.

Dur rappel, en effet, d'une réalité qui n'a malheureusement rien de fictif.

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À Espace Libre jusqu'à samedi.