C'est aujourd'hui que le Cirque du Soleil montre aux médias américains des extraits de sa première comédie musicale, Paramour, qui prendra l'affiche du Lyric Theatre de New York le 16 avril. Un spectacle crucial pour le Cirque, qui rêve de s'installer enfin dans la Grosse Pomme.

Le Cirque du Soleil attend ce jour depuis longtemps. Malgré ses nombreuses offensives new-yorkaises (Zarkana, Wintuk, Banana Shpeel), il n'est jamais parvenu à s'installer de manière permanente dans la Grosse Pomme. L'embauche du producteur américain Scott Zeiger (Phantom: The Las Vegas Spectacular, Jersey Boys, Rock of Ages) en 2014 devait permettre au Cirque de remédier à la situation.

Deux ans après l'embauche de Zeiger, voici donc la première comédie musicale du Cirque sur Broadway. Un spectacle confié au chorégraphe et metteur en scène français Philippe Decouflé, qui avait créé le spectacle Iris du Cirque à Los Angeles en 2011, avec à ses côtés la cofondatrice des 7 doigts de la main, Shana Carroll, responsable de la conception acrobatique du spectacle. Paramour, qu'ils s'apprêtent à créer, n'a pour ainsi dire pas de date de fin...

La pression de cette nouvelle aventure new-yorkaise, Philippe Decouflé la ressent très bien. «Je suis très conscient de cette pression, mais ça ne sert à rien de s'énerver: il faut rester calme, a-t-il confié à La Presse. La difficulté, c'est qu'il y a beaucoup de gens qui travaillent sur ce projet, donc il y a beaucoup d'avis différents. Il faut savoir faire le tri et donner les informations aux bonnes personnes. À la fin, on doit nous faire confiance.»

Decouflé sera entouré essentiellement des mêmes créateurs que pour Iris. Outre Shana Carroll à la conception acrobatique, on retrouvera donc Jean Rabasse à la scénographie et Philippe Guillotel aux costumes. L'auteur et metteur en scène de Broadway, West Hyler, s'est greffé à l'équipe pour diriger les acteurs. «C'est une équipe fantastique», nous dit le metteur en scène français, qui espère que Paramour sera présenté à New York «le plus longtemps possible».

Une part d'Iris

On le sait, le spectacle Iris, qui retraçait les grands moments de l'histoire du cinéma, devait être présenté pendant 10 ans au Kodak Theatre de Los Angeles, mais, malgré le succès critique de la pièce, le Cirque a dû plier bagage après un an et demi à peine, faute d'assistance. La pièce produite au coût de 100 millions regorgeait de belles trouvailles scéniques. Pas étonnant que l'équipe de création de Paramour - menée par Decouflé et Carroll - s'en soit en partie inspirée.

Le thème du cinéma est toujours présent, mais le scénario de Paramour (dont l'auteur est inconnu) est complètement différent. Il est ici question d'un triangle amoureux dans lequel se trouve prise au piège une actrice de Hollywood nommée Indigo. La jeune femme sera déchirée entre l'amour d'un vieux réalisateur qui la propulse dans le star-system et un jeune compositeur de musique qu'elle côtoie sur un plateau de tournage. Des scènes acrobatiques et chantées représenteront ce triangle amoureux.

«Finalement, on a gardé une très petite part d'Iris, précise Philippe Decouflé. On va retrouver deux tableaux qu'on avait créés à l'époque, mais c'est l'équivalent de 10 minutes du spectacle environ. Iris était un hommage fantasmagorique au cinéma et au cirque.»

«Paramour est véritablement une comédie musicale où les personnages principaux sont défendus par des comédiens et chanteurs. Une comédie musicale classique, mais avec la "touche" du Cirque.»

Des acteurs et des drones

La chanteuse Ruby Lewis, qui a joué dans Baz, à Las Vegas, mais aussi dans les comédies musicales Grease, Jersey Boys et We Will Rock You, défendra le rôle principal d'Indigo. Elle sera entourée des acteurs et chanteurs Bradley Dean (qui campe le réalisateur) et Ryan Vona (qui incarne le compositeur). Le trio sera entouré d'une trentaine de danseurs et d'artistes de cirque, dont quatre faisaient partie de la distribution d'Iris. Parmi lesquels les jumeaux anglais Andrew et Kevin Atherton aux sangles aériennes.

L'esthétique de Philippe Decouflé sera de nouveau mise de l'avant avec ses projections vidéo subtiles et ses univers ludiques décalés. «On est parti de la période de l'Art déco, précise-t-il. On passe du cinéma muet des années 20 et 30 jusqu'à l'explosion des couleurs du Technicolor. La trame sonore de Bob & Bill [Guy Dubuc et Marc Lessard] traduira ce mélange des genres avec des musiques de cabaret des années 20, des musiques de films de gladiateurs ou des westerns.»

Pour la première fois, le Cirque utilisera des drones dans l'un de ses spectacles. Il s'agit d'un numéro inspiré du court métrage Sparked qu'il a créé et mis en ligne en 2014. Dans ce petit film de cinq minutes, le Cirque avait créé une superbe chorégraphie avec des abat-jour volants - dans lesquels étaient dissimulés des drones avec un plan de vol. Une chorégraphie semblable sera présentée dans une scène d'amour entre Indigo et le jeune compositeur qui lui chante son amour.

Philippe Decouflé a-t-il eu carte blanche pour la création de Paramour? «Pas du tout», répond le metteur en scène.

«Je suis contraint par un type de production, par l'histoire. Dès que je fais quelque chose, on me demande de le justifier par rapport à l'histoire. C'est la première fois que j'ai autant de contraintes dans un spectacle, mais, en même temps, j'aime ça. Ça me permet de dresser un cadre dans lequel ensuite on peut prendre quelques libertés, mais je ne suis pas libre au sens où je dois raconter une histoire. Une histoire racontée d'une façon tout à fait unique qui, j'espère, touchera les gens.»

Le Cirque s'apprête par ailleurs à donner vie au spectacle de tournée Luzia sous chapiteau, dans le Vieux-Port de Montréal, dès le 21 avril.