À deux mois de la grande première montréalaise de Toruk du Cirque du Soleil, La Presse s'est rendue en Louisiane pour voir des extraits du spectacle immersif signé Michel Lemieux et Victor Pilon.

Nous sommes dans la petite ville anonyme de Shreveport, dans le nord de la Louisiane, tout près de la frontière texane. C'est à quelques kilomètres de là, dans le Century Link Center de Bossier City, que le Cirque du Soleil répète depuis deux mois son nouveau spectacle Toruk, inspiré du film Avatar, de James Cameron.

C'est ici que le Cirque a convié les médias nord-américains pour présenter des extraits de ce spectacle d'aréna mis en scène par Michel Lemieux et Victor Pilon, qui réunit 35 artistes sur scène. Un spectacle immersif qui s'annonce beaucoup moins acrobatique qu'à l'habitude et qui comptera pour la première fois sur la présence d'un narrateur - qui parlera en français à Montréal.

«On avait le désir d'innover et de changer la manière de faire du Cirque, a précisé Michel Lemieux. On ne veut pas refaire Alegria pendant 30 ans! On a décidé de ne pas faire des numéros de haut calibre, qu'on a souvent vus, mais de privilégier la performance acrobatique narrative, c'est-à-dire de l'acrobatie qui sert le récit.»

Même son de cloche de la part du coproducteur du film Avatar, Jon Landau, qui travaille sur les trois suites du film - dont le premier volet est prévu pour 2017 et qui s'est dit enchanté de voir le Cirque du Soleil s'approprier l'univers d'Avatar. «Ce qu'on se rend compte, c'est que les amateurs du film veulent retrouver le monde de Pandora. Et c'est ce que le Cirque a fait.»

Une interprétation

Jon Landau, qui a approuvé toutes les étapes de création du spectacle avec James Cameron, a expliqué avoir donné accès à toute la mythologie de Pandora (dans ce qu'il appelle le Pandorapedia) pour aider le Cirque à créer son scénario. Même s'il a joué un rôle important dans l'élaboration finale du scénario, c'est le Cirque qui a mené le projet, a-t-il insisté.

«Si Jim [James Cameron] avait voulu une version de son film, il l'aurait dirigée lui-même, a-t-il dit. Nous, on est là parce qu'on veut voir l'interprétation du Cirque du Soleil», a dit Landau, rappelant que les personnages du film Avatar étaient eux-mêmes inspirés de ceux du Cirque du Soleil. «On a même travaillé avec un artiste du Cirque pour diriger les acteurs à l'époque!»

Projections

En tout cas, la nervosité et l'excitation des créateurs étaient palpables, hier. Nous sommes en effet à moins de deux semaines des premières représentations de Toruk à Bossier City, qui aura la chance de voir la nouvelle création du Cirque du Soleil dès le 12 novembre avant que la troupe ne prenne la route du Nord pour sa première officielle du 21 décembre au Centre Bell.

On retrouve sans surprise le fameux arbre-maison des Omaticayas, représenté par une énorme structure gonflable, mais tous les décors de la pièce, de la forêt luxuriante aux chaînes de montagnes, sont représentés grâce à des projections multimédias. Quant à la faune étrange de Pandora - équidius, loups-vipères, austrapèdes -, elle sera incarnée par des marionnettes.

Retour de 3000 ans

Comme nous l'avions déjà précisé au mois d'août dernier, il ne s'agit pas d'une adaptation du film. Vous ne retrouverez donc pas Jake Sully, ni même la jeune Neytiri, de qui il était tombé amoureux. Aucun avatar, donc, seulement des Na'vis.

En fait, l'histoire se passe sur la lune de Pandora, mais 3000 ans avant le scénario de James Cameron.

Dans ce scénario original, une éruption volcanique menace l'arbre des âmes, cet énorme saule pleureur que l'on voit dans le film et qui symbolise la divinité na'vi. Trois jeunes adolescents tenteront de rallier les différents clans pour sauver l'arbre des âmes. Pour ce faire, ils devront dompter le toruk, ce fameux oiseau rouge que Jake Sully était parvenu à amadouer dans le film.

Risque

Le Cirque a présenté la première demi-heure de la deuxième partie du spectacle. On y voit beaucoup de chorégraphies de groupe, des scènes de combat avec les loups-vipères, quelques acrobaties au mât chinois, des courses de cerfs-volants ainsi qu'une manipulation impressionnante de l'immense oiseau toruk par les six marionnettistes. Le narrateur n'a pris la parole qu'à deux reprises.

«On prend un risque, insiste Michel Lemieux, qui a également intégré des dialogues en na'vis. On ne peut pas plaire à tout le monde, mais on va en surprendre. Nous, on veut faire tomber les frontières entre les disciplines. On avait envie de raconter une histoire, une quête, avec des personnages qui évoquent l'univers d'Avatar, qui est pour moi un spectacle écologique.»

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Les frais de voyage ont été payés par le Cirque du Soleil.