Le cofondateur des 7 doigts de la main, Samuel Tétreault, rêve depuis longtemps de ce projet de spectacle qui mêle les arts du cirque à la danse contemporaine. Triptyque célèbre cette fusion grâce au travail de trois chorégraphes: Marie Chouinard, Victor Quijada et Marcos Morau. À la TOHU du 14 au 25 octobre.

Anne et Samuel

C'est le premier volet de Triptyque. Un duo qui met en scène la danseuse Anne Plamondon et le cofondateur des 7 doigts de la main, Samuel Tétreault. Une pièce créée sur le thème général qui traverse les trois parties: le rapport de l'homme à la gravité.

L'artiste de cirque avoue s'être payé un «cadeau de fête» pour ses 40 ans. Même s'il s'est spécialisé en équilibre à l'École nationale de cirque, Samuel Tétreault a toujours dansé. C'est lui qui a contacté Marie Chouinard pour chorégraphier ce premier volet.

«Je trouvais intéressant de recevoir une demande d'un non-danseur», dit la chorégraphe, qui a qualifié l'expérience de «formidable». Pour créer ce duo, elle a décidé de faire danser ses interprètes avec des béquilles.

«J'avais déjà travaillé avec des béquilles dans ma pièce Body Remix [en 2009], dit Marie Chouinard. J'avais envie d'approfondir ce travail. Pour moi, ce sont des éléments poétiques qui s'ajoutent à l'histoire de la rencontre de cet homme et de cette femme.»

Sur cette «plage de temps», Anne Plamondon se défera d'abord de ses cordes (clin d'oeil à l'art japonais du kinbaku), et Samuel Tétreault laissera tomber son masque avant de s'engager dans ce duo de danse - «sans acrobatie», faut-il préciser - qui découle d'un travail d'improvisation.

«On est dans la primordialité des émotions, précise Samuel Tétreault. C'est un rapport amoureux qui est presque animal. Cet état-là commande une subtilité et un minimalisme du mouvement. Il y a une lenteur et une ondulation dans sa dramaturgie, qui font penser au buto.»

Marie Chouinard est déjà ailleurs. Elle est présentement en tournée avec sa nouvelle pièce Soft Virtuosity, créée en Allemagne en juin. Une pièce qu'on devrait voir à Montréal dans deux ans. Elle prépare également une performance solo qui sera présentée au Japon cet automne.

Variation 9.81

Le titre de ce deuxième volet chorégraphié par Victor Quijada fait référence à l'accélération de la pesanteur sur la surface de la Terre: 9,81 m par seconde au carré décrivant la vélocité des objets dans leur chute verticale.

Par cette métaphore de la gravité, le chorégraphe de RUBBERBANDance a voulu explorer la force gravitationnelle qui nous attire vers les autres. «C'est une façon d'explorer la manière dont on interagit ensemble, qu'il s'agisse des forces de notre magnétisme ou de notre répulsion.»

Ce segment d'une trentaine de minutes réunit sur scène cinq équilibristes, incluant Samuel Tétreault. Victor Quijada, qui a créé une pièce baptisée Gravity Center en 2011, a dû faire preuve de créativité pour imaginer des chorégraphies destinées à des artistes en équilibre sur leurs mains.

«C'était tout un défi pour moi, parce que le style de danse que je préconise avec RUBBERBANDance est beaucoup axé sur le mouvement, tandis que ces équilibristes sont en position verticale, dans une forme d'immobilité obligatoire pour se maintenir en équilibre», dit-il. Victor Quijada, issu du milieu hip-hop, a poussé ses interprètes aux limites de ce qu'ils pouvaient faire en équilibre, la tête à l'envers.

Non seulement en créant des mouvements originaux, mais en provoquant des contacts entre les équilibristes, justement pour les «déséquilibrer». «Je crois avoir été aussi loin que je pouvais, estime-t-il. Nous avons exploré de nombreuses possibilités avec cette discipline, qui est tellement belle. En même temps, il faut accepter que la fusion complète des disciplines est très, très rare.»

Victor Quijada n'est pas complètement étranger aux 7 doigts de la main. Il a notamment collaboré à certains volets des pièces PSY et La vie. «On se connaît depuis 2002, puisque nos deux compagnies ont été fondées dans ces années-là. Il y a entre nous une belle relation de confiance.»

La musique est signée par un collaborateur de longue date de Quijada, Jasper Gahunia, autrefois connu comme DJ (DJ lil jaz). «Ce gars-là est un maître des échantillonnages. Il est capable de créer des ambiances mélancoliques parfaitement orchestrées et puis d'enchaîner avec des beats vraiment "hardcore".»

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Nocturnes

C'est le troisième volet de Triptyque. Une pièce chorégraphiée par l'Espagnol Marcos Morau (de la compagnie La Veronal), qui inclut plusieurs disciplines de cirque aériennes, dont la corde lisse et les sangles. C'est une autre cofondatrice des 7 doigts, Isabelle Chassé, qui l'a épaulé pour la mise en scène.

Nocturnes, qui fait référence aux pièces pour piano composées par Frédéric Chopin, nous entraîne dans un univers surréaliste. «C'est une pièce qui se passe entre le rêve et la réalité, le sommeil et l'éveil, la conscience et l'inconscience, la lourdeur et la légèreté. Cet état d'esprit où tout est possible», détaille Isabelle Chassé.

Les huit interprètes seront vêtus de «pyjamas». «C'est très stylisé, il y a de belles lignes, beaucoup de blanc aussi, précise-t-elle. C'est très épuré, le décor est tout métallique, il y a un lit en aluminium. Et les éclairages sont très sobres, très contrastés.»

Ce troisième volet ne quitte toutefois pas l'univers dansé établi dans les deux premières parties. «Tout est finement chorégraphié, nous dit Isabelle Chassé, qui a travaillé de près avec le chorégraphe espagnol, venu deux fois à Montréal. De vrais danseurs ont aussi été initiés à certaines disciplines de cirque.»

Il y a quelques mois, les 7 doigts avaient dévoilé un des tableaux de Nocturnes mettant en scène une danseuse et un unicycliste. «Il y a une complexité de la gestuelle, qui est propre au travail de Marcos, analyse Isabelle Chassé. Il y a aussi un humour et une théâtralité dans ses chorégraphies qui vont bien aux 7 doigts.»

Encore une fois, Samuel Tétreault fera partie de la distribution de Nocturnes, qu'il a également contribué à mettre en scène, complétant ainsi son tour du chapeau en tant qu'interprète.

«Marcos est une étoile montante de la danse contemporaine en Europe, qui se frotte pour la première fois avec le monde du cirque, précise-t-il. Son travail est très intéressant.» «C'est très rapide, très saccadé et très virtuose, renchérit Isabelle Chassé. Il est capable de déconstruire des mouvements et de les reconstruire différemment. C'est un génie.»

______________________________________________________________________________

Triptyque est le résultat d'une carte blanche offerte à Samuel Tétreault par Denis Soulières de Danse cité, qui coproduit le spectacle. Le théâtre londonien Sadler's Wells coproduit également la pièce. À la TOHU du 14 au 25 octobre.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE