C'est l'histoire de deux jeunes artistes de cirque qui découvrent par hasard qu'elles sont cousines. Valérie et Claudel ont le même gabarit, la même gestuelle et le même nom de famille. Aujourd'hui, elles font partie de la Compagnie du Poivre Rose, fondée l'an dernier. La Presse les a rencontrées.

Leurs grands-pères étaient frères. Mais ce n'est qu'en 2012 qu'elles se sont vues pour la première fois.

« Claudel avait fait l'École nationale de cirque avant moi, raconte Valérie. Lorsque je suis entrée à l'École, tout le monde me demandait si je connaissais Claudel Doucet. On me disait qu'on se ressemblait et qu'on avait les mêmes aptitudes. Mais je ne connaissais pas toute la famille de mon grand-père : ils étaient 17 enfants! »

Le jour des funérailles de sa grand-mère, Valérie Doucet a rencontré la mère de Claudel. C'est elle qui lui a confirmé l'existence d'une cousine... circassienne.

À sa sortie de l'École, en 2004, Claudel a joué dans Les anges de l'orage, de Jerry Snell, avant de se joindre à la distribution de Dralion, du Cirque du Soleil, où elle a fait un numéro de tissu pendant près de quatre ans. « J'avais 18 ans et j'avais envie de faire de la tournée, ç'a été très formateur », raconte-t-elle.

« Quand j'ai terminé l'École, poursuit Claudel, je pensais que je ferais de la performance ou de la danse contemporaine. Je n'avais peur de rien; j'étais prête à me rouler toute nue dans le sang! Alors, quand on m'a demandé de courir en cercle en souriant comme une princesse, j'ai eu un petit blocage... »

Claudel a ensuite travaillé avec Les 7 doigts de la main (A Muse), le Cirque Monti et dans les cabarets allemands avant de faire la connaissance de sa cousine.

Valérie, quant à elle, est sortie de l'École en 2010 avec une spécialité en équilibre. On l'a vue entre autres dans Rain du Cirque Éloize, dans un numéro de contorsion. Elle a ensuite été recrutée par la compagnie australienne Circa - devenant la première non-Australienne à faire partie de la troupe.

En ce moment, elle fait partie de la distribution de la nouvelle création de James Thierrée, Tabac rouge, ce même Thierrée qui a présenté Raoul à Montréal.

LA FORMATION DU POIVRE ROSE

L'histoire de la formation de la Compagnie du Poivre Rose est faite de multiples rebondissements. Disons simplement qu'au cours d'une tournée en Europe, Claudel a fait la connaissance d'un artiste de cirque belge, Amaury Vanderborght, avec qui elle a posé les bases du projet.

Sa cousine Valérie s'est jointe à eux en même temps que l'artiste de cirque belge Thomas Dechaufour. Ainsi est né le Poivre Rose. 

« Dès le départ, on voulait faire un projet sur les genres, explique Claudel. On essaie de renverser les codes des disciplines typiquement masculines ou féminines. Je voulais me débarrasser des clichés. »

Ce n'est pas un hasard si la compagnie est baptisée le Poivre Rose. « Il y a un élément à la fois masculin et féminin qui évoque quelque chose de poétique et libre, renchérit Claudel. Ça représente assez bien notre spectacle. On a cherché à juxtaposer le côté artificiel des genres à notre côté animal. »

Avec le metteur en scène Christian Lucas, ils ont imaginé une petite histoire à partir de laquelle ils ont intégré leurs numéros de cirque.

« C'est l'histoire d'une famille d'aristocrates qui se prépare pour un bal, détaille Claudel. Mais tout le monde est très différent. On s'est inspiré du documentaire Grey Gardens, qui fait le récit de deux cousines, deux aristocrates déchues qui habitent encore dans leur manoir qui tombe en ruine. »

« Au fond, c'est un spectacle sur l'acceptation de soi, estime Valérie. C'est une célébration de ce que nous sommes fondamentalement. Chaque personnage est un peu décalé, avec des traits particuliers. On met en scène ces relations qui nous paraissent improbables. »

L'été dernier, le Poivre Rose a créé sa pièce homonyme à Prague avec la musicienne Iva Bittova et une cinquième interprète, Antoinette Chaudron. Le quatuor sera de retour en Europe en 2015 pour participer à quelques festivals. Son objectif actuel: se faire connaître à la maison. À bon entendeur...