C'était soir de première vendredi pour le Cirque du Soleil, qui a déroulé son tapis rouge dans la jungle pour accueillir ses invités, façon maya, la main sur le coeur.

Un nouveau concept, une nouvelle expérience, un nouveau contenu, annonce le Cirque du Soleil depuis plusieurs mois en parlant de sa nouvelle création, Joya («joyau» en espagnol), mise en scène par le Québécois Martin Genest.

Alors? Alors, il faut relativiser, amateurs de cirque, car outre le lieu absolument extraordinaire de ce nouveau théâtre circulaire de 600 places construit par le groupe Vidanta en pleine jungle, Joya est un spectacle qui s'inscrit dans la continuité de ce que fait le Cirque.

On a parlé d'une expérience culinaire et d'un souper-spectacle. Un souper gastronomique est en effet offert avant le spectacle à environ 194 invités qui occupent les premières rangées de sièges disposés en gradins, flanqués de petites tables en demi-lunes.

Un repas «trois services» (avec champagne) concocté par le chef Alexis Bostelmann leur est servi. Mais outre la musique, le cirque n'est pas invité à la table. Les spectateurs qui n'ont pas le forfait souper-spectacle, eux, arrivent simplement une heure plus tard.

Venons-en au spectacle.

Une pièce acrobatique d'à peine 70 minutes (c'est court), qui se met en place tout doucement, pendant que les flûtes à champagne se remplissent. Un spectacle prometteur, certes, mais qui n'est pas encore à la hauteur des autres spectacles permanents du Cirque (si l'on compare en tout cas avec les shows présentés à Las Vegas). Ce joyau doit être poli.

Nous sommes dans le naturalium d'un vieil alchimiste, entouré de bibliothèques encastrées d'où sortiront d'énormes livres. Darwin, Zelig, etc. Très beau décor de Guillaume Lord. Les assistants de l'alchimiste font leur apparition, incarnés par un bélier, un lapin, un oiseau, tous dans des costumes flamboyants.

Bref, c'est la présentation de la faune étrange qui peuple Joya, dans laquelle se trouve la jeune héroïne de la pièce, qui délivrera son grand-père (l'alchimiste) des griffes d'un convoi de corsaires dans une scène de combats et d'arts martiaux. Ils sont entourés de musiciens et d'une chanteuse perchée dans le décor.

Voyez qu'on reste quand même sagement dans les paramètres et l'imagerie du Cirque.

Le spectacle se met en branle véritablement avec une explosion symbolisant la fameuse météorite qui s'est écrasée jadis dans le Yucatan et qui serait à l'origine de la disparition des dinosaures. On verra un premier numéro de jonglerie, joli, avec de petits ballons rouges qui virevoltent dans toutes les directions.

L'idée du petit trio de mariachis qui s'anime dans une fenêtre suspendue fait mouche. Une belle idée qui revient de façon à quelques reprises.

Intimité relative

Il est vrai que le nouveau théâtre du Cirque est, à certains égards, plus intime que les grandes salles de 2500 ou 3000 sièges où le Cirque est habitué de jouer. Il n'y a en effet que 600 places assises. Mais l'espace est relativement grand, et l'ambiance est comparable à celle que l'on retrouve dans ses spectacles sous chapiteau.

Quelques numéros sont effectivement interprétés assez près des spectateurs, comme celui de cette équilibriste et contorsionniste (extrêmement douée), mais jamais les artistes n'interagissent avec le public. C'est ce contact aussi avec les spectateurs qui rend l'expérience «intime».

On en revient toujours à ce qui fait la réputation du Cirque: l'exécution quasi parfaite de numéros parfois extrêmement dangereux.

Quand ils décident de présenter un numéro de jeux icariens (lorsqu'un porteur est couché sur le dos et fait tournoyer un voltigeur avec ses pieds), ils le font pour vrai, de manière spectaculaire. Pareil pour ce duo de trapèze ou ce solo de sangles aériennes. Des numéros solides.

C'est dans ces moments de tension que les spectateurs se regardent, éberlués, conquis.

Le spectacle se termine avec un numéro de trampomur entraînant et joliment mis en scène, ainsi que par le dévoilement d'une immense fresque représentant les personnages de la pièce, peinte à la manière du muraliste Diego Rivera, avec une apparition visuelle éclair de Frida Kahlo. Ce dernier tableau est particulièrement réussi.

Est-ce que Joya parviendra à séduire les touristes de la Riviera Maya?

Seul le temps nous le dira. Mais ce ne sera pas parce qu'il s'agit d'un spectacle vraiment intime, ni parce que ce spectacle en particulier détonne de tous les autres ou qu'il propose un contenu jamais vu, mais parce que c'est le Cirque du Soleil, qui jouit toujours d'un énorme capital de sympathie et aussi parce qu'il se produit dans un endroit vraiment magique.