Certains se demanderont peut-être s'ils ont déjà vu Varekai. Si c'est le cas, c'était en 2002, sous le chapiteau du Vieux-Port. Le spectacle mis en scène par Dominic Champagne n'est pas repassé par ici depuis. Onze ans plus tard, le Cirque nous ramène Varekai dans son format allégé, conçu pour une tournée « en aréna », qui démarre ici même à Montréal.

Alors ? Alors deux heures et demie plus tard, difficile de savoir si on a déjà vu Varekai. Avec ses créatures étranges, ses costumes flamboyants, sa forêt magique de bambous, ses chansons en langue inventée et ses deux paires de clowns, ce pourrait être Ovo, Quidam, Kooza ou encore Totem. L'esthétique est toujours la même.

Cette fois, il est question d'Icare, figure emblématique de la mythologie grecque, qui fait une chute spectaculaire après que ses ailes ont été brûlées par le soleil. Icare échouera donc dans ce monde étrange où il devra apprivoiser les êtres vivants de cette terre en apparence hostile et inhospitalière. Il trouvera même le moyen de tomber amoureux.

Le numéro d'ouverture, baptisé Vol d'Icare, est magnifique. Un numéro aérien apparenté au tissu, mais exécuté avec un filet à mailles. Dommage que le personnage soit moins présent par la suite - il faut attendre la deuxième partie pour le revoir. On nous présente plutôt d'autres personnages, comme celui de la Vigie, criard petit monsieur avec une ampoule sur la tête.

La première partie mise beaucoup (trop) sur les personnages de cette curieuse faune. On y verra tout de même un impressionnant numéro de Jeux icariens (où un porteur couché sur le dos fait virevolter son partenaire avec ses pieds) - une discipline que l'on retrouve maintenant dans plusieurs spectacles du Cirque. Mais on est plus dans la performance que dans l'émotion.

Passage réussi

Le passage « en aréna » est-il heureux ? La plupart des numéros sont plutôt bien adaptés pour un aussi grand amphithéâtre que le Centre Bell (configuré pour 5000 spectateurs). C'est le cas du numéro de surface glissante, extraordinaire ballet acrobatique au sol (banquine, main à main) qui ouvre la deuxième partie. Les numéros aériens sont également bien servis.

En revanche, certains numéros perdent au change. C'est le cas du numéro de bâton, très impressionnant au demeurant, qui devait être difficile à voir du haut des gradins. La jeune interprète japonaise (dont le numéro a été rajouté à Varekai il y a quelques mois) multiplie pourtant les prouesses à un, deux, puis trois bâtons.

Quant aux clowns, on peut dire qu'ils ont des hauts et des bas... On retiendra surtout le délirant numéro où l'un d'eux suit partout où il se promène le halo d'un projecteur pour chanter Ne me quitte pas... Le clown ira jusque dans l'assistance pour être sous les feux des projecteurs, qui l'enverront finalement... dans une trappe.

Deuxième partie survoltée

La deuxième partie est beaucoup plus entraînante. Outre le numéro de surface glissante, on peut y voir un numéro de jonglerie épatant, qui a littéralement soulevé la foule. Le jongleur en question manipule des quilles et des balles et va jusqu'à jongler en crachant des balles de sa bouche. Le numéro d'équilibre, sans failles, est également très bien introduit.

Le spectacle se termine par l'épeurant numéro des balançoires russes, un dispositif un peu lourdaud, mais qui a tôt fait de nous pétrifier dans nos sièges. S'il y a un lien à faire avec Icare, c'est qu'à chaque saut, les acrobates (qui s'élancent en mouvement sur de très longues distances) risquent de perdre leurs ailes (ou leurs jambes ou leur cou !)

Une fin en apothéose, donc, très colorée, avec ce sceau artistique du Cirque qui est parfois un carcan (surtout pour ses shows de tournées), mais auquel beaucoup de gens s'attendent - et paient pour voir. En tout cas, l'accueil réservé aux 50 interprètes de Varekai vendredi soir dernier était sans équivoque. Malgré ses 11 ans, ce spectacle n'a pas encore perdu ses ailes.

Au Centre Bell jusqu'au 30 décembre.