Ça aurait pu être un film documentaire en 3D sur le Cirque du Soleil, mais les producteurs du Cirque ont voulu faire «un vrai film», réalisé par «un vrai cinéaste». Une histoire d'amour avec comme matière première les spectacles permanents du Cirque présentés à Las Vegas. C'est le pari risqué qu'a pris le Cirque du Soleil en réunissant tout de même deux pointures: le réalisateur américain Andrew Adamson et le cinéaste James Cameron.

Le producteur du Cirque du Soleil, Jacques Méthé, l'a répété plusieurs fois: malgré tous les documents filmés produits par le Cirque, la troupe de Guy Laliberté attendait depuis longtemps le bon moment pour investir le grand écran. La technologie 3D lui en a fourni l'occasion, et avec un joueur de taille: James Cameron. Un cinéaste curieux qui s'est mis au service du Cirque et du réalisateur Andrew Adamson.

Le cinéaste d'Avatar a joué un rôle-clé dans le tournage du film réalisé par Adamson (Shrek, Les chroniques de Narnia). «On voulait avoir les ingrédients d'un film de fiction en y intégrant la matière cirque, notamment en se privant de l'usage des mots, explique Jacques Méthé. James Cameron a aidé Andrew à raconter son histoire grâce à sa maîtrise de la grammaire du 3D. Il a lui-même tourné de nombreuses scènes.

«Dès le début du projet, Paramount s'est montré intéressé par notre projet, poursuit Jacques Méthé, mais la rencontre avec Andrew a été déterminante. C'est un cinéaste respecté. Quand ils ont su qu'on travaillait avec lui, ça a facilité les choses. C'est lui qui a eu l'idée d'une quête amoureuse qui se passerait dans différents univers de cirque. Un vrai film, donc, souligne le coproducteur, fait par un vrai cinéaste, qui nous promène d'un chapiteau à un autre, d'un monde à un autre.»

«Ce qu'on voit, c'est du cirque pur, précise James Cameron dans un document remis aux journalistes par Paramount. Il y a des câbles, des harnais, et vous voyez tout; nous n'avons rien fait pour cacher ces éléments-là. Au contraire, en voyant tout ce dispositif, on se rend compte de l'ingéniosité des chorégraphies, de la mise en scène, des costumes. Surtout, on a cherché à montrer la grande agilité et le talent brut de ces artistes de cirque exceptionnels.»

Andrew Adamson se serait inspiré de films comme Fantasia, Alice au pays des merveilles et même Le lac des cygnes pour concevoir le scénario du Voyage imaginaire. «Je ne voulais pas que le cirque soit relié à un lieu ou une époque, dit-il dans le même document. Je voulais que les gens aient l'impression qu'il s'agit d'un cirque ambulant pouvant se trouver n'importe où. Il y a une grande part de rêve dans les spectacles du Cirque. J'ai voulu insérer mon histoire d'amour dans ce monde de rêves.»

Erica Linz interprète Mia

Pour interpréter le rôle du personnage principal, le réalisateur s'est tourné vers une artiste de cirque plutôt que vers une comédienne professionnelle: Erica Linz. «C'est plus facile de former une acrobate en jeu qu'une comédienne en cirque», résume Jacques Méthé. Car après tout, ce sont bel et bien les exploits des artistes du Cirque qui sont au centre de Cirque du Soleil- Le voyage imaginaire. Des exploits que l'on voit tantôt en plongée, tantôt en contre-plongée ou plus simplement aux côtés des artistes.

La jeune femme native du Colorado a commencé à travailler avec le Cirque du Soleil dès l'âge de 19 ans. Elle a travaillé 10 ans à Las Vegas, quatre ans dans Mystère et six ans dans Kà, mis en scène par Robert Lepage. C'est là qu'elle s'est fait remarquer par les producteurs du Voyage imaginaire, dans un duo de sangles aériennes avec le Québécois Pierre-Luc Sylvain. Un artiste qu'elle qualifie d'«âme soeur acrobatique».

Sa première expérience de cinéma, elle l'a vécue comme une suite logique dans son parcours. «J'ai fait de la gymnastique, de la danse et du chant; donc, très jeune, j'ai joué dans des comédies musicales comme Annie. J'adorais ce milieu, mais c'est le cirque qui a réuni toutes mes passions. Je n'ai pas eu à me préparer énormément, puisqu'il s'agit d'un film non parlant. Il fallait avoir une bonne présence, ce à quoi j'ai toujours été habituée dans mon expérience avec le Cirque.»

Lorsqu'elle a obtenu le rôle de Mia, elle a dû créer un numéro avec un nouveau partenaire, Igor Zaripov, un autre membre du Cirque du Soleil, qui joue le rôle de l'amoureux. Ensemble, ils ont eu huit jours pour créer un duo présenté à la toute fin du film. «Ceux qui connaissent le cirque savent que c'est très peu de temps pour établir un lien de confiance avec un partenaire de scène. Mais heureusement, j'ai tout de suite eu confiance avec Igor, qui est un véritable homme de fer!»

La fable amoureuse imaginée par le réalisateur Andrew Adamson tourne autour de la rencontre de ces deux personnages, qu'on voit ensemble au début du film, mais qui se perdent aussitôt après. Le voyage imaginaire est la quête de Mia pour retrouver son homme, dans des univers oniriques, en l'occurrence ceux des spectacles du Cirque présentés à Las Vegas: O, Kà, LOVE, Zumanity, Mystère, Criss Angel, Believe et Viva Elvis (remplacé cet automne par Zarkana).

La scène d'ouverture a été filmée en Nouvelle-Zélande, tandis que les scènes où l'on voit Mia se promener d'un chapiteau à un autre - et qui représentent les univers par lesquels passent les personnages - ont été filmées dans un studio de Vegas. Le reste du tournage s'est également fait à Las Vegas, durant les représentations des spectacles permanents du Cirque. «Filmer les spectacles du Cirque, c'était comme faire une chirurgie sans endormir le patient, nous dit Jacques Méthé. Ç'a été une entreprise délicate.»

Certains y verront un formidable coup de pub du Cirque du Soleil pour ses spectacles de Las Vegas. Le producteur Jacques Méthé admet que le film pourrait «donner envie aux gens de venir voir les spectacles du Cirque à Las Vegas» puisque rien ne vaut, selon lui, l'expérience d'une performance live. Mais il est surtout convaincu que la technologie 3D est celle qui nous rapproche le plus de cette expérience. Et que le film offrira une expérience visuelle unique. Il n'exclut pas de faire d'autres films de cirque, au service de la vision d'un autre cinéaste.

«La technologie utilisée par l'équipe de James Cameron en est une d'avant-garde, estime Leu Strope, qui a travaillé comme directeur technique sur le film. Ça prend deux caméras pour filmer chaque scène. C'est un dispositif assez lourd, mais que Cameron maîtrise parfaitement. Il faut bien le dire, le sujet du cirque est parfait pour ce genre d'expérience en 3D. On a vraiment l'impression d'être sur place. On passe un peu par les émotions que vivent les artistes de cirque, c'est formidable.»

Cirque du Soleil- Le voyage imaginaire (Worlds Away) prend l'affiche le 7 décembre.

Les frais de déplacement et d'hébergement ont été payés par Paramount.