À quelques jours du départ du cirque Éloize pour la Finlande, où il présentera sa huitième création, La Presse a eu un aperçu de Cirkopolis, spectacle construit autour du thème de l'identité. Rencontre avec le directeur artistique, Jeannot Painchaud, et le chorégraphe Dave St-Pierre, qui cosignent la mise en scène.

Qu'on ne s'y trompe pas. Le danseur et chorégraphe Dave St-Pierre ne fera pas un spectacle de cirque «à la Dave St-Pierre». La commande qu'il a reçue de Jeannot Painchaud était de monter un spectacle pour toute la famille. «Il n'était pas question que les gens sortent de ce spectacle avec un malaise, dit-il d'entrée de jeu. Je veux que les gens ressortent avec le sourire. D'une certaine façon, je trouve ça plus reposant que ce que je fais avec ma compagnie.»

Le créateur de La pornographie des âmes et d'Un peu de tendresse, bordel de merde! fraie avec le milieu du cirque depuis quelques années. Il a travaillé avec le Cirque du Soleil, où il a signé les chorégraphies de Zumanity et de LOVE (sur les Beatles), mis en scène par Dominic Champagne. Par la suite, il est devenu répétiteur pour le dernier spectacle d'Éloize, iD. «C'est clair qu'un jour, je vais créer un spectacle de danse et de cirque contemporain à la Dave St-Pierre, dit-il, mais ce n'est pas pour tout de suite.»

À quoi allons-nous reconnaître la signature du chorégraphe? «Ceux qui me connaissent vont retrouver mon énergie, répond Dave St-Pierre. Ma danse est très physique, très exigeante, ce n'est pas une danse propre. Je me suis amusé à proposer des thèmes aux interprètes. Par exemple, dans un numéro, je leur disais: vous êtes des guerriers du film 300. Avec l'énergie, mais sans les cris et les faces de douchebags. C'est comme ça que j'ai amené les interprètes à exprimer leur folie.»

Brazil et Metropolis

Cirkopolis trouve son inspiration dans Brazil, de Terry Gilliam, et Metropolis, de Fritz Lang, deux films futuristes qui dépeignent une société injuste ou totalitaire - d'où les projections d'engrenages et la représentation d'une ville grise peuplée d'êtres anonymes. «Comme dans Metropolis, il y a une question identitaire, explique Dave St-Pierre, une volonté de s'émanciper. Le spectacle, c'est un peu ça. Ce sont des gens qui ont passé leur vie dans une coquille mais qui veulent en sortir. Ils ont une personnalité, une vision, et ils ont envie de la partager.»

Le fil conducteur de ce spectacle, construit en 14 tableaux, c'est Ashley Carr, un artiste à la présence et au charme irrésistibles qu'on a vu dans Rain, mis en scène par Daniele Finzi Pasca. «C'est le personnage central, explique Jeannot Painchaud. Il joue le rôle d'un fonctionnaire [comme Sam Lowry dans Brazil]. Nous sommes dans un univers bureaucratique. Il s'imagine dans un monde parallèle, à l'opposé de son monde à lui, qui est tout gris. C'est une réflexion sur la place qu'on veut prendre dans la société tout en étant soi-même.»

Doté d'un budget d'un peu plus de 2 millions, Cirkopolis s'ouvrira sur un numéro de danse «frénétique», selon Jeannot Painchaud. «Avec la trilogie qu'on a créée avec Daniele Finzi Pasca [Nomade, Rain, Nebbia], nous avons fait un cycle qui mêlait le cirque et le théâtre. Là, je suis en voie de créer une autre trilogie de cirque et de danse.» Une troisième pièce suivra donc celle-ci? «Oui, je l'ai déjà en tête, répond Jeannot Painchaud, sans donner plus de détails. Elle conclura cette série qui a commencé avec iD

Outre les références aux films Brazil et Metropolis, Dave St-Pierre admet s'être inspiré de la pièce Joe, de Jean-Pierre Perreault. «C'est une pièce phare de la danse contemporaine au Québec, dans laquelle j'ai dansé. C'est un show sur les anonymes, où chacun cherche à sortir du lot dans une sorte de marche militaire. Pour moi, ce spectacle est un hommage à Jean-Pierre. On s'est beaucoup inspiré de ce look des années 20, 30, 40 avec les trench-coats et les chapeaux.»

La musique a été créée par Stefan Boucher, qui a travaillé avec le danseur Frédérick Gravel, mais aussi avec Dave St-Pierre pour son nouveau spectacle, qui a conclu son cycle Sociologie et autres utopies contemporaines. «On a exploré plusieurs genres musicaux. Que ce soit de la musique rom, dans le style d'Emir Kusturica, mais aussi du charleston et des musiques plus commerciales, mais toujours avec ce moteur qui roule, ces engrenages qui crépitent.»

Des 12 interprètes de Cirkopolis, 2 faisaient partie de la distribution de Rain: Ashley Carr et Yann Leblanc, artiste polyvalent qui fera notamment un duo de roue Cyr avec Angelica Bongiovonni. «Angie est  dans une classe à part, affirme Jeannot Painchaud. Au départ, on n'avait pas prévu faire de roue Cyr dans ce spectacle, mais là, on a la meilleure, donc on l'a ajoutée. Le duo qu'elle fait avec Yann est unique au monde.»

Après les deux représentations de Cirkopolis au festival d'Helsinki (les 1er et 2 septembre), Éloize entamera une tournée européenne qui le mènera en Belgique (du 28 septembre au 4 octobre), aux Pays-Bas (du 11 au 14 octobre) et en France (novembre et décembre). Entre ces représentations, la troupe peaufinera le spectacle, qui a été conçu en deux mois à peine. Cirkopolis devrait être présenté à Montréal à l'automne 2013.