C'est le 15 juin à 22h20 que le fil-de-fériste américain Nikolas Wallenda marchera avec ses petits chaussons en cuir au-dessus des imposantes chutes du Niagara. L'événement, qui devrait attirer plus de 120 000 personnes des deux côtés de la frontière canado-américaine, sera diffusé en direct par la chaîne ABC. Portrait d'un funambule de famille, qui n'en n'est pas à son premier coup d'éclat.

Il y a quatre ans, il a établi un record Guinness pour avoir parcouru une distance de 71 mètres à vélo en s'élançant sur un fil de fer tendu à partir du toit du Prudentiel Building de Newark, au New Jersey. En 2001, avec des membres de sa famille, il a réalisé un autre record: une pyramide à huit personnes sur un fil tendu à 7,6 mètres de hauteur. Des numéros qui seront diffusés l'automne prochain sur la chaîne Discovery pour la téléréalité Life on a Wire, qui retracera les faits d'armes de cet enfant du cirque.

S'il réussit «le coup», pour reprendre l'expression de Philippe Petit - devenu célèbre pour avoir marché sur un fil tendu entre les tours jumelles de New York en 1974 -, Nik Wallenda sera le deuxième funambule à marcher au-dessus des chutes de Horseshoe Falls depuis l'exploit de Charles Blondin, en 1859. Sur son câble de cinq centimètres de diamètre, tendu sur une distance de 550 mètres entre Goat Island (en sol américain) et Table Rock (en Ontario), il a l'intention de marcher pendant environ 45 minutes. Tout dépendra des conditions météorologiques.

«C'est un rêve que je caresse depuis ma première visite aux Chutes alors que je n'avais que 6 ans», a-t-il dit aux médias en arrivant à Niagara. L'homme de 33 ans sera entouré des membres de sa famille, incluant sa femme Erendira, elle aussi issue d'une famille de cirque, et leurs trois enfants. Pour la petite histoire, Nik l'a demandée en mariage au cours d'une performance ici même à Montréal (en 1999), s'agenouillant sur un fil suspendu à neuf mètres de hauteur pour lui demander sa main alors qu'elle assistait au spectacle familial des Flying Wallendas.

Pour se préparer à cette performance extrême, réalisée à près de 60 mètres au-dessus de la rivière, le funambule a recréé chez lui, à Sarasota, en Floride, les conditions climatiques bien particulières qui sont celles des chutes du Niagara, avec des vents pouvant atteindre 125 km/h. Ces vents, faut-il le rappeler, sont nourris par les secousses provoquées par la chute de 2,4 millions de litres d'eau à la seconde. Nik Wallenda s'entraîne depuis quelques semaines au Seneca Niagara Casino, côté américain, à Niagara Falls, New York.

Danger relatif

Malgré son expérience de risque-tout, la chaîne ABC - qui fera une couverture complète à partir de 20h - a insisté pour qu'il porte un harnais de sécurité, une demande des commanditaires qui ne veulent pas être associés à un événement qui pourrait tourner au drame. Son agent, Winston Simone, a expliqué à La Presse que Nik ne voulait pas porter de harnais, qu'il essayait encore de convaincre la chaîne de revenir sur sa décision, mais que s'il n'avait pas le choix, il ne renoncerait pas à son projet.

N'empêche, la nouvelle a provoqué une onde de choc sur l'internet. Plusieurs décriant l'opération comme une vaste campagne de marketing ne visant qu'à attirer des touristes. Un commentateur du journal Niagara This Week, William Thomas, s'est insurgé contre cette décision: «ABC fait la promotion d'un numéro qui défie la mort, mais exécuté en toute sécurité? C'est proprement ridicule. Aucun membre de la famille Wallenda ne porte de harnais de sécurité, c'est ce qui a fait leur renommée.»

Malgré cette vague de protestation, le projet aura bel et bien lieu. Même si, dès le début, il a failli ne pas se concrétiser. La Commission canadienne des parcs du Niagara s'était d'abord opposée au projet, dénonçant son côté sensationnaliste. Mais face à l'insistance de Nik Wallenda, et à ses garanties financières, la Commission a finalement répondu favorablement à sa requête au mois de février dernier, modifiant son règlement. Le site web de la Commission en fait maintenant largement la promotion.

Il reste que l'opération pilotée par Nik Wallenda ne sera pas nécessairement rentable pour lui. Winston Simone estime son coût à environ 1,2 million. Le funambule a dû se résoudre à faire appel à la générosité du public. Dans une vidéo diffusée sur indiegogo.com, il invite les gens à l'aider à «réaliser son rêve». Il espère ainsi amasser 50 000$ en dons. Malgré son entente avec ABC, il doit débourser des sommes importantes aux deux agences qui administrent les parcs, ainsi que tous les coûts de l'installation.

Mais ça, c'est la rançon de la gloire. En autant qu'il ne perde pas pied et qu'on ne le montre pas accroché à son harnais de sécurité par le fond de culotte.

Un enfant de la balle

Nik Wallenda est l'arrière-petit-fils de Karl Wallenda, né en Allemagne en 1905. L'homme de cirque a émigré aux États-Unis dans les années 20, puis a fondé la troupe familiale The Great Wallendas, qui deviendra The Flying Wallendas.

Nik a fait son premier numéro de fil-de-fer à l'âge de 4 ans. En 1998, à l'âge de 19 ans, il a recréé la pyramide à 7 personnes, avec entre autres sa mère Delilah Wallenda (petite-fille de Karl). Un numéro créé en 1947 par l'ancêtre Karl.

La présentation de ce numéro avait valeur de symbole, puisque en 1962, au State Fair Coliseum de Detroit, la pyramide s'est effondrée, tuant deux membres de sa famille et en paralysant une autre.

Mais après le funeste accident, Karl Wallenda a poursuivi ses numéros, marchant entre des grattes-ciel ou dans des stades.

À 65 ans, il a lui aussi traversé des chutes, celles de Tallulah Falls en Géorgie. En 1978, il meurt en marchant entre deux immeubles de San Juan, à Puerto Rico, à 37 mètres du sol. Il était âgé de 73 ans.

Encore une fois, comme pour corriger le tir, Nik Wallenda est retourné sur les lieux du drame (en 2011) et a réalisé la marche. Son prochain défi? Traverser le Grand Canyon. Sans harnais.

Photo: AP

Nik Wallenda indique la trajectoire qu'il fera sur son câble d'acier qui le mènera de Goat Island dans l'État de New York à Table Rock en Ontario.