La troupe australienne a encore une fois fait la preuve qu'on peut repousser les limites de ce que peut faire et subir le corps humain. Au confluent de la danse contemporaine et des arts du cirque, les sept interprètes de C!rca se livrent ici à nous entièrement, sans costume ni décor ni accessoire. Superbes acrobates qu'on voit créer dans le plaisir, mais aussi dans la douleur.

L'entrée en matière est un peu intense. Sur une musique psychotique s'animent les corps désarticulés des artistes, qui peinent à se redresser. Tombant parfois assez brusquement sur la scène, de face comme de dos. Tels des automates. Suivis par les projecteurs avides de performances. Mouvements déconstruits, corps convulsants, comme atteints par des décharges électriques, qui sait.

Puis, la musique s'adoucit (heureusement) faisant place à un très beau duo mettant en vedette la nouvelle recrue québécoise de C!rca, Valérie Doucet, qui s'approprie magnifiquement l'esthétique unique des Australiens. Petit à petit, la lumière jaillit de chacun des artistes. Le spectacle passe d'une performance individuelle à des duos aux allures de combats, en passant par des chorégraphies de groupe, la grande force et la signature de C!rca.

Ces segments-là sont à couper le souffle. La troupe multiplie les figures improbables dans ses numéros acrobatiques au sol, mains à mains, colonnes, tumbling, sans oublier les «lancer de la fille», spectaculaires. Sur la musique de Radiohead, c'est gagné. Le directeur artistique Yaron Lifschitz disait vouloir montrer toute la puissance et toute la vulnérabilité des artistes de cirque. C'est exactement à cela qu'on assiste.

Très peu d'appareils sont utilisés dans ce spectacle; ici un trapèze, là une corde, mais rien d'encombrant. Les sept interprètes se révèlent particulièrement à nous dans leurs numéros individuels. Certains sont époustouflants, comme celui des sangles aériennes de Lewis West ou le numéro d'équilibre sur mains de Casey Douglas; tandis que d'autres s'étirent un peu trop en longueur, comme le numéro des «doigts».

L'absence de trame narrative n'enlève absolument rien à ce spectacle sensoriel, ludique aussi, qui nous insinue, doucement et violemment, dans la petite bulle de ces gymnastes-acrobates. La vérité, c'est que les chorégraphies de C!rca sont toujours surprenantes, traversées de détails, et surtout, extrêmement difficiles à exécuter. Il faut le souligner, la recherche acrobatique de C!rca est impressionnante.

Chacun des interprètes a sa couleur et sa personnalité, une autre grande force de la troupe. À la fin, on a la nette impression que cette bande-là a laissé une empreinte. Tant collectivement qu'individuellement. Juste avant le numéro final, l'autre fille du groupe, Emma McGovern (qui fait un solide numéro de corde), nous donne froid dans le dos avec son duo acrobatique de corps à corps, façon «sadomaso», où elle triture le corps de son partenaire avec ses talons aiguilles. Ouch. C'est la morale de l'histoire : les numéros de cirque ont parfois l'air facile, mais parfois, ils font mal à voir!

À la TOHU jusqu'au 25 février.