Unica Zürn, Joyce Mansour, Claude Cahun, Leonora Carrington, Alice Rahon. Ces noms ne vous disent rien ? C'est pourquoi le spectacle Rose au coeur violet a été créé par Christine Germain, qui veut faire connaître ces créatrices oubliées du mouvement surréaliste. Il sera présenté dimanche au Lion d'or dans le cadre du Festival international de la littérature (FIL).

La femme et sa représentation auront été importantes pour les surréalistes. Célébré, découpé, déformé, vénéré, son corps aura servi les artistes et les écrivains désirant repousser les frontières de la raison et de la morale, mais on ne lui reconnaît pas beaucoup une «paternité» ou plutôt une «maternité» créatrice dans cette mouvance éprise de liberté absolue.

Rose au coeur violet, dont le titre s'inspire de la poésie de Nora Mitrani, entend donner la parole à ces femmes, qui ont pourtant créé autant que leurs célèbres compagnons qui les ont éclipsés dans l'histoire de l'art, puisqu'elles ont souvent été confiées à un rôle de muse. «Elles sont plusieurs, elles sont multiples, et leurs pratiques sont multiples, mais nous ne les connaissons pas, dit l'idéatrice de ce spectacle, Christine Germain. Ça m'a bouleversée et ça me bouleverse encore.»

Mieux encore, Christine Germain, écrivaine et performeuse qui a longtemps travaillé à l'émission Les décrocheurs d'étoiles avec Michel Garneau, a organisé des blind dates, comme elle dit, entre ces créatrices d'hier et des créatrices québécoises d'aujourd'hui. Ainsi, les textes de Karoline Georges, Carole David, Dominik Parenteau-Lebeuf, Véronique Cyr et ceux de Christine Germain elle-même répondent en miroirs à ceux d'Unica Zürn, Joyce Mansour, Claude Cahun, Leonora Carrington et Alice Rahon. Le tout sera interprété sur scène par Louise Bombardier, Violette Chauveau, Marika Lhoumeau, Isabelle Roy et Christine Germain au centre de ces rencontres. «Le but profond de ce spectacle, ditelle, c'est de faire connaître. C'est mon grand plaisir dans la vie. Le poète José Acquelin avait trouvé le bon terme, être «passeur de paroles», et c'est vraiment une grande satisfaction pour moi de faire passer des paroles qui sont peu ou pas connues. Ce sont des textes à plusieurs voix, car quand tu n'es pas reconnue, tu parles plus fort, tu multiplies les voix!»

Christine Germain ne se considère pas comme une spécialiste, elle dit fonctionner plus à l'instinct, mais sa fascination pour son sujet date d'il y a longtemps, plus particulièrement depuis qu'elle a reçu en cadeau le livre Scandaleusement d'elles. Trente-quatre femmes surréalistes, de Georgiana Colville. Il faut dire qu'il n'est pas toujours facile de mettre la main sur les oeuvres de ces femmes. «Par exemple, les éditions Actes Sud ont publié dans les années 90 une anthologie des oeuvres de Joyce Mansour qui est aujourd'hui introuvable. C'est choquant, d'autant plus que l'exemplaire à la Grande Bibliothèque a été volé ! C'est pourquoi, sur place, nous proposerons des livres à vendre.»

Christine Germain n'a pas envie de se lancer dans un «débat homme-femme », elle veut surtout faire découvrir ces femmes qui lui parlent intimement. «C'est assez frappant que ce mouvement, qui était dans un grand désir de liberté, qui se questionnait par rapport à la sexualité, qui prônait une liberté du langage et de l'image, que ces femmes ne soient pas plus présentes. C'est qu'en fait, dans leurs relations quotidiennes, elles étaient vraiment dans les normes du couple. Ce n'est que depuis quelques années que nous commençons à les redécouvrir.»

> Rose au coeur violet est présenté dans le cadre du FIL, dimanche, au Lion d'or. Info : festival-fil.qc.ca