Ian Kelly était interpellé à plus d'un égard par l'événement «terrible, inacceptable» qui a mené au concert de lundi soir, à la mémoire de Denis Blanchette et au bénéfice de sa famille. M. Blanchette, tué par balle le soir des élections québécoises, était technicien de scène, comme Kelly l'a été pendant longtemps avant de passer de l'arrière de la scène au devant.

Lundi soir, en essayant de «faire des phrases complètes avec un sujet, un verbe et un complément», l'ex-tech devenu chanteur a expliqué aux 2000 spectateurs du Métropolis pourquoi il se sentait solidaire de Denis Blanchette et de ses collègues des coulisses. Et ce, en passant du français à l'anglais, comme peut le faire un gars de NDG qui a une mère anglophone et un père francophone: le bilingue intégral dans une soirée qui visait à rassembler, physiquement et symboliquement, des artistes montréalais des deux vieilles communautés linguistiques.

«Je ne voulais pas prendre une opportunité qui ne m'appartenait pas», nous a dit hier Ian Kelly, ancien technicien du Spectrum arrivé à la scène au St-Denis quand, au pied levé, il a fait la première partie d'Alanis Morissette. «J'ai parlé en mon nom, pour dire que je me sentais touché...» Touché comme il l'a été l'an dernier lors du concert au profit des victimes des inondations en Montérégie, où il y avait moins de monde dans la salle... et moins de vedettes sur la scène. Lundi, Kelly a chanté avant Éric Lapointe, qu'il connaît bien: «Ça m'a fait drôle d'être sur la même scène que lui: j'ai été son chef-son en tournée...»

De son côté, le producteur André Ménard, qui a organisé le concert en deux semaines avec son équipe de Spectra, avait retrouvé hier un semblant de sérénité. «Ce matin, la lecture des comptes rendus m'a fait fondre en larmes: je me mets rarement dans un état pareil», nous a-t-il dit, tout en évoquant la finale d'Arcade Fire, magnifique crescendo qui a servi de point d'exclamation au concert. «Quelle puissance, Arcade Fire! Et ils n'étaient même pas plogués...»

Le cofondateur du Festival de jazz a par ailleurs avoué que ce concert a constitué un des faits saillants de sa carrière de producteur, tant par sa nature que par l'appui qu'il a suscité dans tous les quartiers. «Tout ce monde-là sur la scène. Céline, Patrick Watson qui écrit une berceuse en français pour la fille de Denis Blanchette, Ian Kelly qui vire ça en feu de camp: émotivement, j'ai vécu un high indescriptible.»

Ç'a été le cas pour d'autres, on peut le supposer. Avant de quitter le Métropolis, à l'entracte, Pauline Marois est allée saluer Céline Dion en coulisse, ce qui a donné lieu à un impressionnant déploiement des agents de la Sûreté du Québec affectés à la garde de la première ministre. Après, le spectacle terminé, la foule sortait en chantant The Load-Out avec Jackson Browne, une des rares chansons à évoquer le rôle quotidien des roadies, ces anonymes qui montent et démontent les scènes. Quel beau flash!

240 000$

Lundi soir, comme l'a souhaité le leader d'Arcade Fire, la musique s'est réapproprié le Métropolis, un de ses temples montréalais. Hier, Spectra a annoncé qu'on avait déjà versé quelque 240 000$ à la Fiducie Denis Blanchette; ça ne lui rendra pas son père, mais ça permettra plus tard à la jeune fille d'étudier. L'histoire, peut-être...

«On peut maintenant regarder en avant», a dit André Ménard. Ian Kelly est d'accord: «Passer à autre chose, oui, mais il ne faut pas oublier.»