Le drame musical adapté de la pièce de l'Espagnol Federico García Lorca, présentement à l'affiche du Théâtre Denise-Pelletier, a curieusement des allures de comédie.

Non pas que le sort réservé aux cinq filles de Bernarda soit particulièrement drôle. Au contraire. Les pauvres donzelles sont en effet sous le joug de leur mère, qui leur impose une retraite forcée de huit ans après le décès de son mari, question d'honorer la mémoire de leur père. Mais le contraste avec les moeurs d'aujourd'hui est tellement fort que le public de jeudi dernier a trouvé matière à rire, parfois dans les moments les plus dramatiques. On ne peut pas vraiment lui en vouloir.

Il faut dire que les jeunes comédiennes fraîchement émoulues de l'option théâtre du cégep Lionel-Groulx en rajoutent parfois plus que nécessaire dans l'expression de leur douleur face à cette mère oppressante, guidée par les «qu'en-dira-t-on» d'une société rigide et traditionnelle. Il faut se rappeler que la pièce a été écrite en 1936, la dernière de Lorca avant son assassinat par les phalangistes de Franco. La maison de Bernarda était alors une dénonciation de l'Espagne catholique autoritaire.

Le récit de Lorca, riche en symboles et en images, n'en est pas moins intéressant. La lutte des cinq soeurs, carrément faites prisonnières par leur mère, révélera le besoin de liberté de chacune. Une intrigue enrichie par la présence d'un jeune homme, qui nourrit l'espoir de leur fuite. Promis à la fille aînée Augustias, Pepe tombera plutôt amoureux de la cadette, Adela. Le malaise vient du jeu des comédiennes, qui manque de subtilité. Même Louise Laprade, dans le rôle de Bernarda, n'est pas crédible dans son rôle de vilaine. Qu'une tragédie fasse autant rire devrait sonner l'alarme.

Le choix d'en faire un théâtral musical, avec plusieurs segments chantés, se défend parfaitement. Et nous offre quelques beaux moments. La trame musicale de Vincent Beaulne est d'ailleurs assez réussie. Seulement, le texte de Sarah Berthiaume est tellement sirupeux et les performances, malheureusement, inégales. Les numéros les plus réussis sont ceux où les filles chantent à l'unisson, notamment les chansons en espagnol. Ou encore celui de la bonne (interprétée par Suzanne Champagne), qui chante sa rencontre avec son mari.

La mise en scène de Ghyslain Filion est d'assez jolie facture. Le décor évoquant un cloître, avec les cinq rideaux qui représentent les chambres de filles, est somme toute assez efficace. Tout comme les jardins extérieurs évoqués dans le texte, symbole de liberté, qu'on visualise parfaitement. Seulement voilà, les efforts déployés par les 10 comédiennes, qui nous livrent une performance comique, ne sont pas suffisants pour sauver ce drame de la caricature.

Au Théâtre Denise-Pelletier jusqu'au 5 avril.