Les propositions du Nouveau Théâtre Expérimental (NTE) ne manquent pas d'audace, c'est le moins qu'on puisse dire. Même si la dimension « expérimenta le » étouffe parfois sa contrepartie « théâtrale », au profit d'une réflexion nébuleuse.

Déjà l'an dernier, Naissances nous conviait à une promenade dans le ventre d'Espace libre; sympathique promenade au cours de laquelle cinq courtes formes nous étaient présentées dans différentes «stations ». Cette semaine, Rodrigue Jean et Gaétan Nadeau en rajoutent une couche avec ce Zoo 2011, pièce-installation déambulatoire inspirée du Zoo original de Jean- Pierre Ronfard et Robert Gravel, créé dans les rues de Montréal en 1977 avec des animaux (!), ce qui n'est pas le cas ici.

D'abord, il n'y a pas d'heure de début de la représentation de Zoo 2011. Pas plus qu'il n'y a de dialogues. Il n'y a même pas de comédiens! Vous pouvez vous pointer à n'importe quel moment, entre 20h et 21h30, pour observer la faune urbaine qui occupe la grande salle d'Espace libre. Là, vous verrez une quinzaine de personnes qui s'affairent. Pour la plupart de véritables artisans, mais aux pratiques parfois singulières, «qui échappent au contrôle de l'État». Ici un fabricant d'appâts de pêche, là un fabricant de dildos en acier inoxydable...

Les derniers Mohicans

Il ne convient pas de révéler ici toutes les pratiques observées ni toutes les tranches de vie dont nous sommes témoins . Disons simplement qu'on a l'impression d'être dans un off-Salon des métiers d'art. À la différence qu'on ne peut entrer en contact avec ces humains qui s'exposent à nous (sauf peut-être à la fin). Et qu'ils n'ont absolument rien à vendre. Mis à part, peut-être, une parcelle d'âme.. . Car nous, spectateurs errants, sommes volontairement placés dans des situations de voyeurisme.

Mais pourquoi? C'est la question qu'on se pose du début à la fin de ce projet artistique. Bien sûr, nous portons tous un jugement sur l'activité qui se déroule sous nos yeux. Sur sa valeur aussi. Ces scènes de vie nous renvoient parfois aussi à nous-mêmes. Mais audelà du geste d'ouverture, qui consiste à admettre la part de l'autre (aussi bizarre soit-elle), il n'est pas aisé d'extraire la matière dramatique de tous ces cas individuels écrasés par une musique angoissante qui devient peu à peu insupportable.

Il est vrai que nos sociétés occidentales se sont mises dans le pétrin en ne fabriquant pratiquement plus rien. Notre économie de services, où les consultants sont rois, importe de plus en plus. Nos matières premières sont le plus souvent transformées ailleurs. Dans ce sens, on a un peu l'impression que les artisans qui nous font face sont les derniers Mohicans d'une société qui peine à transmettre son savoirfaire. Encore qu'on peut se questionner sur le bien-fondé de certains savoir-faire...

Chacun aura sans doute sa propre interprétation de ces scènes de vie en forme de polaroïds. Les créateurs nous laissent une si grande marge d'interprétation qu'aucune idée forte ne se fraie un chemin. On discute entre spectateurs, on essaie de faire des liens avec notre propre histoire. Avec la solitude de ces gens... On se conte des peurs, mais, honnêtement, on tourne à vide, et on n'en retire pas grand-chose.

À Espace libre jusqu'au 29 octobre.