L'ex-chanteur de Noir Désir, Bertrand Cantat, ne jouera pas dans le Cycle des femmes de Sophocle sur la scène du Théâtre du Nouveau Monde, pas plus que sur la scène du Centre national des arts à Ottawa, a annoncé vendredi la directrice artistique du TNM Lorraine Pintal, lors d'un court point de presse.

Mme Pintal a expliqué aux médias que la décision avait été prise conjointement avec Wajdi Mouawad et ses compagnies Abé Carré Cé Carré et Au carré de l'hypoténuse, qui produisent le spectacle. «Il est assuré à cette heure que Bertrand Cantat ne jouera pas sur les scènes québécoise et canadienne», a-t-elle laissé tomber après avoir fait un retour sur les événements de la semaine. «C'est sûr que notre décision a été teintée par la difficulté pour M. Cantat d'entrer au pays», a-t-elle précisé.

Mercredi, la ministre fédérale responsable de la région de Québec, Josée Verner, a affirmé que sa formation politique n'accorderait pas de permis de séjour temporaire à M. Cantat. Interdit du territoire (jusqu'en 2017), la directrice artistique et générale du TNM a tout de même confirmé que Bertrand Cantat a bel et bien mis les pieds au pays en 2010 pour travailler sur le Cycle des femmes. «Il est venu ici pour enregistrer la musique de la pièce Ciels et pour travailler sur le Cycle des femmes. J'étais donc loin de me douter que M. Cantat ne pouvait fouler le sol canadien» a-t-elle souligné.

Quel sort pour la pièce?



Quant à savoir si la pièce conclura, comme prévu, la programmation de la 60e saison du TNM au mois de mai 2012, Lorraine Pintal a renvoyé la balle à Wajdi Mouawad, présentement en France, resté muet depuis le début de la controverse sur la présence de Cantat, qu'il a engagé comme compositeur et interprète des choeurs du Cycle des femmes.

«La décision de présenter la pièce à Montréal et à Ottawa sans Bertrand Cantat sera prise par Wajdi Mouawad» a indiqué celle qui a défendu seule le projet artistique du metteur en scène. À titre de directeur artistique du Centre National des Arts (CNA), Mouawad sera à Ottawa le 18 avril pour annoncer la programmation de la saison prochaine. C'est à ce moment qu'il annoncera sa décision. S'il décide de ne pas présenter la pièce au mois de mai 2012, la directrice artistique en programmera une autre. «Cinq pièces seront au programme quelque soit la décision finale de Wajdi Mouawad» a-t-elle dit en s'adressant aux abonnés.

Regrets



Lorraine Pintal a déploré l'ampleur qu'a prise l'annonce de la participation de Cantat, exprimant dans le même souffle ses regrets à tous ceux qui auraient été blessés ou choqués par l'appui du TNM au projet. «Comme directrice artistique du TNM, je dois être à l'écoute de la population et je suis très sensible à tout ce qui a été dit sur le sujet, à la fois comme femme, artiste et citoyenne. Mais le débat a dépassé la mission du TNM», a-t-elle dit, faisant référence aux nombreuses réactions provenant de la classe politique québécoise et canadienne.

Mme Pintal a insisté sur le fait qu'elle n'avait jamais exercé de censure sur les projets proposés par les metteurs en scène, «surtout lorsque le TNM agit comme diffuseur». «J'ai accepté le choix artistique de Wajdi, parce que je le trouvais fort. Je lui ai fait entièrement confiance. Certains diront que j'ai manqué de flair, mais je peux vous dire que je travaille dans un milieu ouvert habitué aux propositions qui dérangent. Maintenant, je comprends que la présence physique de Bertrand Cantat détournerait l'attention du public de cette proposition artistique.»

La décision du TNM n'engage évidemment pas les maisons de productions françaises qui ont programmé le spectacle sur les scènes européennes «avec» Bertrand Cantat, à commencer par le Théâtre d'Athènes qui doit présenter la pièce en première mondiale au mois de juin. Vendredi, la compagnie française de Wajdi Mouawad, Au carré de l'hypoténuse, a publié un communiqué annonçant la décision de Cantat de ne pas jouer au festival d'Avignon cet été.

«En apprenant la programmation des lectures de Jean-Louis Trintignant en Avignon, puis sa décision de ne pas être présent lors du Festival, Bertrand Cantat a choisi, pour des raisons personnelles et par respect pour la douleur de Jean-Louis Trintignant, de ne pas participer aux représentations de la pièce Des femmes lors du festival d'Avignon», peut-on lire.

Bertrand Cantat, faut-il le rappeler, a reçu une peine de huit ans de prison en 2004 pour avoir battu à mort sa compagne, l'actrice Marie Trintignant. Il a purgé la moité de sa peine et mis en liberté conditionnelle en 2007. Sa peine a officiellement pris fin l'été dernier.