Carole Nadeau et sa compagnie Le Pont Bridge poursuivent leur travail d'artisanat technologique avec un thriller poétique intitulé Le mobile. Une oeuvre en équilibre entre théâtre, performance et arts visuels qui s'appuie sur un moment de déséquilibre.

Plonger dans la création d'un nouveau spectacle, c'est toujours chevaucher une hydre à trois têtes pour Carole Nadeau. Sa compagnie, Le Pont Bridge, part en effet rarement de textes préexistants, privilégiant une démarche multidisciplinaire où la trame narrative se développe en parallèle avec les composantes visuelles de l'oeuvre en devenir. «J'essaie que la scénographie et la vidéographie soient écriture», résume-t-elle.

Carole Nadeau, qui est diplômée en interprétation du Conservatoire d'art dramatique de Québec, a commencé à envisager le théâtre sous l'angle de l'interdisciplinarité dès le tournant des années 90, à la faveur de collaboration avec Recto Verso et feu Arbo Cyber, Théâtre, des compagnies qui l'ont «complètement déformée».

«Quand je suis arrivée à Montréal pour fonder ma propre compagnie, je voulais retomber sur le plancher des vaches, mais je me suis rendu compte que les univers qui me venaient naturellement impliquaient la technologie. J'étais complètement déformée, il était trop tard!» rigole-t-elle. Elle s'affaire donc, depuis 1993, à concevoir un théâtre où texte, scénographie et vidéographie se trouvent sur un pied d'égalité.

Sa dernière création, Le mobile, a eu pour premier point d'ancrage un corps en suspension dans un dispositif scénique: un «mobile humain». La femme en équilibre dans le vide a subi un accident de voiture et se trouve dans le coma. «C'est comme un voyage ou un poème dans un de ces moments où on est en situation de perte d'équilibre, de perte de repères», expose Carole Nadeau.

Le mobile n'est toutefois pas qu'une fantasmagorie abstraite, c'est aussi un thriller à sa manière. Consciente que plus elle envisageait le texte de manière poétique, moins il était facile à absorber, l'actrice et metteure en scène a opté pour une partition qui va «dans le sens contraire de la scénographie». D'où l'accident de voiture, le coma et cette trame narrative qui, de fragment en fragment, amène le spectateur à saisir que l'accident n'en est pas un et qu'il y a un mobile derrière cette agression.

Sur scène avec Carole Nadeau, trois régisseurs interviennent en direct, parfois à coups de pinceaux, de crayons et de petits dessins projetés sur un écran en angle qui sert de fond de scène. «La poésie vient de la relation entre les gestes posés et ce qui apparaît sur l'écran. Il y a un dialogue corps et image qui s'enclenche et met de la chaleur dans cette scénographie un peu froide.»

Le mobile, du 10 au 20 novembre à Espace libre.