Non, ce n'est pas du tout la catastrophe appréhendée par certains, ce Je m'voyais déjà, «musical» inspiré d'une quarantaine de chansons d'Aznavour et présenté à l'Olympia en grande première hier. Mais ce n'est pas non plus un spectacle abouti, hélas.

Comment dire? L'histoire est pauvre, la mise en scène est pauvre, les décors font pauvres... mais les voix sont riches et les chansons (jouées, Dieu de la musique merci, par quatre bons instrumentistes en chair et en os) sont  plus que riches, on le sait depuis 60 ans qu'Aznavour nous les chante. Ce sont ces chansons, en fait, qui nourrissent ce spectacle, qui tient plus du tour de chant auquel on aurait greffé un cours «Aznavour 101» qu'une vraie comédie musicale.  

En d'autres termes, Je m'voyais déjà, c'est bien parce que ça rend réellement hommage au talent et au répertoire immenses du grand petit Charles. Mais c'est moins bien parce que ça ne donne pas - en tout cas, pas encore - un spectacle qui comble, touche et frappe. Il est vrai que la troupe a dû se produire, hier, devant un parterre rempli à craquer de personnalités, y compris Aznavour lui-même... Pas facile, c'est vrai. Mais des longueurs, ça reste des longueurs, hélas. Par exemple, la scène de rupture et de réconciliation, à la fin du deuxième acte, qui n'en finit plus de finir...   

Entourés de quelques écrans sur lesquels sont projetées des photos et illustrations qui tiennent lieu de décors (pratique si le spectacle part en tournée, mais reste que ça fait tout de même un peu «cheapo» et chenu), les sept chanteurs chantent vraiment bien, ont chacun leur moment de gloire, et les harmonies vocales sont généralement heureuses. De toute la troupe qui, je le répète, chante avec talent, c'est Judith Bérard qui tire vraiment son épingle du jeu parce qu'elle est la seule - à l'instar d'Aznavour lui-même, d'ailleurs - a véritablement interpréter ce qu'elle chante, c'est-à-dire à jouer les textes, à faire de chaque chanson un petit film.

L'adaptation «québécoise» de Pierre Légaré de ce «musical» créé en France il y a deux ans, parsemée de beaucoup de gags et de références à notre réalité (Vincent Lacroix, Star Académie, Winners, Occupation double, «name it»...), est bien pensée, même si certaines farces sont un peu grosses et ne participent pas à donner plus de rythme à une histoire qui s'étire indûment.

Les chorégraphies de Geneviève Dorion-Coupal, elles, ajoutent au spectacle. Mais une comédie musicale, on le sait, c'est à la fois de la danse, de la chanson et du théâtre. Si les deux premiers éléments sont indéniablement à l'oeuvre dans ce spectacle, le troisième fait cruellement défaut. On le répète toutefois: si Je m'voyais déjà n'est pas le spectacle formi-formidable qu'on espérait, c'est un bon divertissement, abordable,  et une occasion agréable d'en apprendre plus sur le répertoire incroyable et  indémodable d'Aznavour. Et ça, c'est franchement formi-formidable.

Jusqu'au 30 octobre à l'Olympia de Montréal et au Capitole de Québec en mai.