Le théâtre Corona, fleuron du sud-ouest de Montréal, a été vendu dans la plus grande discrétion au début de juillet. L'Institut des arts de la scène, OSBL mis sur pied par le producteur Robert Vinet pour ressusciter le théâtre de la rue Notre-Dame en 1997, l'a cédé aux promoteurs immobiliers Dany Lavy et Stephen Shiller pour la somme de 1 750 000$. Le déficit dépassait les 2 millions.

Le Corona se portait mieux à ses débuts quand Vinet y produisait lui-même des artistes comme Jean-Pierre Ferland et Yvon Deschamps. Les dernières années, son directeur général Luc Laperrière a eu beau tout essayer, les producteurs de spectacles montréalais boudaient le Corona ou préféraient exploiter leurs propres salles. Vinet a proposé une alliance stratégique avec la maison de la culture Marie-Uguay et il a tenté de profiter de la fermeture du Cabaret du Casino. C'était peine perdue: «On était tout près d'équilibrer notre budget, mais ça demande tellement d'énergie et on n'avait tellement pas de budget qu'on ne se payait pas.»

Les nouveaux propriétaires ont offert le Corona en location à long terme à l'animateur de radio Ricky Dee. Vinet se console à l'idée que le théâtre est un bien culturel protégé et qu'il va conserver sa vocation. «Ricky Dee a engagé Luc Laperrière pour s'occuper du volet spectacles et corporatif. Au moins, Luc va avoir un salaire.»

Même si le Corona représente un cas particulier, Robert Vinet y voit aussi à l'oeuvre des facteurs qui touchent d'autres salles montréalaises. Dont un système de subventions gouvernementales et de crédits d'impôt qui ont incité des agents d'artistes à s'improviser petits producteurs qui, plutôt que de prendre des risques, préfèrent vendre leurs spectacles aux festivals ou aux salles de banlieue: «Le gouvernement du Québec a créé un réseau urbain en dehors de Montréal qui fait que les gens en banlieue ne se déplacent plus. Les artistes viennent à eux. On a créé un gros trou de beigne.»