La correspondance amoureuse de Pauline Julien et Gérald Godin, publiée l'an dernier chez Leméac, est loin d'être banale. Elle regorge même de petits bijoux littéraires, qui jettent un certain éclairage sur des détails opaques de cette singulière relation qui aura duré 30 ans.

Sans vouloir relancer le débat sur la pertinence de cette publication, je me contenterai de dire que si certaines lettres nous renseignent (un peu) sur la pensée profonde de ces deux icônes de la vie artistique et politique du Québec, la grande majorité d'entre elles sont très personnelles et nous donnent un peu l'impression d'écouter aux portes.

La transposition sur scène de cette lecture, admirablement bien rendue par un autre couple artistico-politique, Marie Tifo et Pierre Curzi, accentue ce sentiment d'incursion (ou d'intrusion) dans la vie de ces deux amoureux fous, qui ont choisi de vivre séparément.

Cette lecture, très sobrement mise en scène par Lorraine Pintal (pouvait-il en être autrement?), reprend la majorité des lettres de Pauline et Gérald, dans un ordre chronologique qui commence au début des années 60 et s'étend jusqu'à la veille de la mort de Gérald Godin, en 1994. Avec trois heureux (et trop brefs) intermèdes où l'on entend les chansons de Pauline Julien. Durée: deux heures.

Les amateurs de correspondances amoureuses ont donc été bien servis dimanche après-midi pour l'unique représentation de cette lecture publique à la Cinquième salle de la PdA. Mais les instigateurs du projet auraient pu élaguer plus et mieux, parce que deux heures de lecture, c'est long!

Un peu redondant

Cette liaison, très romanesque et très tortueuse, donne bien sûr lieu à quelques envolées lyriques et coups de gueule très bien interprétés par Marie Tifo et Pierre Curzi. Comme cette mise en garde du bouillant poète et politique qui encourage Pauline à boycotter «avec fracas» les célébrations de la Confédération. Ou ces lettres truffées de sacres où Gérald encourage sa Pauline, «sa petite conne», à ne pas baisser les bras.

Il reste que la grande majorité des lettres qui ont été lues s'attardent à cette relation amoureuse construite sur l'absence, et les états d'âme multiples qui en découlent. Je ne dis pas que ce n'est pas beau ou intéressant ou alors complètement sadique, mais je me suis quand même demandé pourquoi on faisait cette lecture. Et, surtout, qu'auraient pensé Pauline et Gérald s'ils étaient là...

Peut-être qu'un condensé de ces lettres - parce qu'il y a quand même beaucoup d'idées qui reviennent sous différentes formes -, lues dans une plus petite salle encore, aurait pu créer une certaine atmosphère? La Cinquième salle, d'ordinaire considérée comme petite, m'a paru bien grande pour ces confidences littéraires.

Ovationnés à tout rompre à la fin de cette lecture, Marie Tifo et Pierre Curzi ont généreusement tendu les bras vers le public - quand même bon joueur - et en direction de l'énorme photo de Pauline et Gérald projetée derrière eux. Manière de dire que la matière de cette lecture appartient bel et bien à ce beau couple, qui s'est un peu compliqué la vie.