L'improvisation requiert de l'oxygène. Heureusement, à 33 ans, la Ligue nationale d'improvisation ne manque pas de souffle. Alors qu'elle organise son 10e gala du Temple de la renommée, mardi, la LNI cherche toujours une salle permanente, un financement adéquat et un peu plus de reconnaissance. Même si nul n'est prophète en son pays, la Ligue est un peu tannée de toujours devoir... improviser pour se perpétuer.

Robert Lepage participera au gala au Club Soda qui sera webtélédiffusé à 19h sur le site du 98,5 FM. Il intronisera Marie Michaud au Temple de la LNI. Avec Chantal Baril et Martin Drainville, elle rejoindra les Robert Gravel, Normand Brathwaite, Yves Jacques, Pierrette Robitaille ou Patrice L'Écuyer.

 

Un grand nombre d'artistes du Québec sont passés par la LNI. La réputation du bébé de Robert Gravel et d'Yvon Leduc dépasse aussi nos frontières. «En France, quand vous affichez la LNI pour un spectacle, c'est complet», dit la comédienne Taïra Borée, membre de la Ligue d'improvisation française (LIF).

«La LNI, c'est notre mère depuis 1981, dit Gérard Surugue, de la LIF. Quand Éric Métayer a reçu son Molière cette année, il a remercié la ligue d'improvisation.»

Il y a beau y avoir des ligues d'impro dans 30 pays, la LNI estime être sous-financée, sous-équipée, voire sous-estimée...

Quel financement?

«Cette année, nous fonctionnons avec environ 550 000$», dit Étienne Saint-Laurent, son directeur général. La LNI est financée à 90% par sa billetterie et ses interventions dans les entreprises et les écoles. Car la LNI joue aussi un rôle social.

«On intervient à l'école pour désamorcer des crises entre jeunes de communautés culturelles différentes, dit Pierre Guillot-Hurtubise, membre du conseil d'administration. Mais on tient ça à bout de bras, avec peu d'argent.»

Le Conseil des arts et des lettres (CALQ) finance la LNI depuis 1997, avec des aides ponctuelles et 50 000$ par an depuis 2000. Est-ce suffisant? Non, répond François-Étienne Paré, directeur artistique de la LNI.

Directeur du théâtre, des arts multidisciplinaires et des arts du cirque au CALQ, Alain Filion dit que le CALQ est le seul organisme public qui tienne compte du fait que la LNI ne fait pas de «production classique théâtrale». «On fonctionne avec les budgets qui nous sont dévolus», dit-il.

Le Conseil des arts du Canada (CAC) n'aide pas la LNI, non admissible à une subvention. «Robert Gravel et Yvon Leduc n'ont jamais voulu plier les genoux pour faire gentil garçon et être bien positionnés sur des comités qui jugent l'octroi des subventions, dit Luc Senay, qui en est à sa 23e saison dans la LNI. Ils n'ont jamais joué cette game. On ne sait pas quoi faire avec la patate chaude de la LNI. C'est du sport? Du théâtre? Des clowns? Ça donne de l'urticaire au Conseil des arts et c'est valable pour le ministère de la Culture.»

Quand La Presse a appelé l'attachée de presse du CAC, Grace Thrasher, elle a dit n'avoir jamais entendu parler de la LNI. Ce n'était pas le cas de Roger Gaudet, chef du service du théâtre au CAC. Mais ce dernier a affirmé que la LNI n'a jamais demandé au CAC de créer un statut spécial pour permettre aux ligues d'improvisation d'être subventionnées. «Il faudrait que ce soit leurs pairs qui le demandent», a dit M. Gaudet.

Et Québec? Donnera-t-il un coup de pouce? L'attachée de presse de la ministre Christine St-Pierre, Valérie Rodrigue, répond: «L'organisme est déjà subventionné par le Conseil des arts et des lettres.»

Pour Normand Brathwaite, qui a passé sept saisons à la LNI («c'est là que les dépisteurs de Denise Filiatrault m'ont vu»), la LNI «est presque une école». «Elle devrait être subventionnée à 100%», dit-il.

Quel équipement?

Depuis qu'elle a quitté le Medley, la LNI cherche un local. Elle squatte le Club Soda mais a des visées sur le Planétarium. Elle veut y créer un Improvisarium et l'a signifié à la Ville dans une lettre au maire Tremblay en juin 2009, demandant une rencontre. Il n'y a pas eu de rencontre. Juste un accusé de réception. «Étonnant et décevant», dit François-Étienne Paré.

Mardi, le maire a dit à La Presse que «plusieurs partenaires» sont intéressés par le Planétarium, ajoutant que «ça pourrait être un carrefour des communautés».

La LNI veut rencontrer la ministre pour trouver une solution.

Quelle reconnaissance?

Les difficultés vécues par la LNI, malgré sa dimension dans ce que le Québec a de plus intrinsèque, viennent, selon certains, d'un manque de reconnaissance. «Molière n'aurait pas eu de reconnaissance si Louis XIV ne l'avait pas pris sous son aile, dit Luc Senay. Le jeu de la LNI n'étant pas dans les bonnes grâces des hautes sphères culturelles, la LNI a toujours dû voler de ses propres ailes et à l'huile de bras.»

Depuis le tragique accident d'Yvon Leduc en 2007, qui bouleverse encore ses amis européens, dont Jean-Marc Cuvelier, de la ligue belge, la LNI a connu un essoufflement.

«Pour avoir des appuis financiers et politiques, il faut avoir une vision à long terme, dit un observateur de la scène culturelle. Peut-être que sa relocalisation forcera un examen de sa gouvernance.»

La renaissance de la LNI est toutefois en cours. Pleins d'entrain, Étienne St-Laurent et François-Étienne Paré ont pris le relais. En mars, les États généraux ont fait partie de la réflexion pour orienter l'avenir de la ligue. Belges, Français et Québécois travaillent à la création d'un Comité international des ligues d'impro et à l'organisation d'un prochain Mondial.

La LNI tend aussi la main envers ses pairs. «La LNI est souvent perçue comme un spectacle de variétés peu riche artistiquement alors que ce n'est pas vrai, dit M. Paré. On doit rétablir le dialogue avec le milieu culturel, car on fait partie du milieu théâtral.»

Taïra Borée espère que la LNI va poursuivre sa croissance. «Depuis la France, on a toujours regardé la LNI comme des petits poussins regardent leur maman avant de s'envoler. La LNI, c'est le mythe fondateur. C'est précieux.»

Soirée Temple de la renommée LNI 2010, le 11 mai, 19h, au Club Soda. Pour informations: www.lni.ca